« Dans 99,9 % des cas, quand il y a marqué savon sur un gel douche, il ne contient pas de savon »
J’utilise tous les jours du savon ; du moins, c’est ce que je pensais. Les fondateurs de Soeder, Hanna et Johan, m’expliquent pourquoi ce n’est pas le cas. Une discussion sur le commerce opaque des produits semi-finis, sur la différence entre le « vrai » et le « faux » savon et sur leur nouvelle marque.
À Zurich, leur savon naturel est devenu culte. On le trouve dans les toilettes des cafés branchés, dans les chambres d’hôtel ou dans les rayons de boutiques écoresponsables. Et pourtant il s’agit là d’un produit de niche avec un prix correspondant. Pour son dixième anniversaire, Soeder, le fabricant passe du marché confidentiel au grand public. Pour ce faire, il lance une marque moins élitiste : « So Natürlich ». Le collectif lance tout d’abord une ligne de douche baptisée « True Body Soap ». Le nom implique qu’il existe aussi de faux savons. Est-ce vraiment le cas ? Johan Olzon Åkerström et Hanna Olzon Åkerström répondent à cette question.
J’interviewe les fondateurs dans l’ancien hall de réparation des CFF à Zurich Altstetten. Les locaux sont encore en travaux. Le nouveau siège social de Soeder s’y installera en mai. Du marketing à la production en passant par le laboratoire, tout est au même endroit et sera ouvert aux visiteurs. Actuellement, les produits sont encore produits à Schwerzenbach. En compagnie du couple, j’explore les locaux. Leur chien Kasper nous suit de près.
Votre marque Soeder a fêté ses dix ans l’année dernière. Félicitations.
Hanna et Johan (en chœur) : merci !
Votre nouvelle marque So Natürlich marque un nouveau chapitre. Pourquoi l’avoir lancée maintenant ?
Johan : nous n’en avions simplement pas la possibilité avant. Nous avons fait nos débuts dans notre garage de 20 mètres carrés où nous faisions des savons avec des ingrédients très chers.
Hanna : et même si nous avons évolué depuis, nos savons naturels Soeder restent un produit de créneau, car, leur prix est trop élevé pour le commun des mortels. À cela s’ajoute le fait que la société est de plus en plus sensible aux questions environnementales. Après dix ans, nous avons le savoir, les ressources, la grandeur et la notoriété nécessaires pour directement entrer en contact avec les producteurs de manières premières et un public cible avec lequel changer les choses.
C’est-à-dire ?
Hanna : rendre plus accessible le « vrai » savon et apporter plus de transparence sur le sujet. Toujours plus de jeunes gens veulent utiliser des produits écologiques et naturels. Nous observons la même tendance chez nos enfants. Mais dans le marché des gels douche, un produit du quotidien, les alternatives abordables sont rares. C’est cette lacune que nous souhaitons combler avec le True Body Soap. C’est le premier produit que nous avons lancé avec la nouvelle marque.
Qu’est-ce qui caractérise un « vrai » savon ?
Johan : le mot « savon » n’est pas un terme protégé et peut donc être utilisé à tord et à travers, même si, chimiquement parlant, un produit ne contient pas de savon. Le terme est utilisé comme synonyme pour un produit nettoyant. Dans 99,9 % des cas, quand il y a marqué « savon » sur un gel douche, ce dernier n’en contient pas.
Hanna : le savon a été inventé il y a 5000 ans. Pour simplifier, on peut dire que de la graisse est mélangée à de la soude caustique (à l’époque on utilisait des cendres), une réaction, dégageant de la chaleur, du savon et de la glycérine se produit. Le savon est donc le résultat d’une réaction chimique. C’est d’après ce principe que nous fabriquons nos articles.
Je ne savais pas pour la glycérine.
Hanna : la glycérine est une matière première de grande qualité et ses utilisations sont nombreuses. En cosmétique, elle est utilisée pour ses propriétés hydratantes.
Johan : tu vois les pains de savon dans les hôtels ? Lors de leur fabrication, la glycérine est souvent retirée et vendue avec profit. La glycérine reste toutefois présente dans nos produits. Beaucoup de personnes ignorent aussi que la production de savon produit aussi de l’énergie. Nous réutilisons cette dernière dans des projets qui nécessitent de l’énergie, comme la fabrication de lotions.
Comment est fabriqué un gel douche standard ?
Johan : les produits que tu trouves normalement dans les rayons des supermarchés est fabriqué à partir de tensioactifs. Ces derniers sont fabriqués dans les usines, brevetés puis revendus pour ensuite créer des gels douche. Ce qui nous amène au thème des produits semi-finis.
On dirait bien que tu n’en es pas fan. Quel est le problème des produits semi-finis ?
Johan : l’industrie cosmétique est une industrie opaque. Beaucoup de fabricants travaillent avec des produits semi-finis. Cela signifie qu’un fabricant tiers traite les matières premières avant de les vendre pour qu’un autre les transforme en un produit final. Les clients finaux ont ainsi plus de mal à savoir ce qui se trouve dans le produit qu’ils utilisent. Les fabricants eux-mêmes ignorent souvent ce qu’ils utilisent.
Les produits semi-finis sont sûrement moins chers, non ?
Johan : oui. Et comme les fabricants de produits semi-finis font souvent très attention à leurs dépenses, ils utilisent généralement de l’huile de palme. Cette dernière est trois fois moins chère que la graisse de coco. Ainsi, on ne sait pas si l’acide gras utilisé dans le produit semi-fini est de l’huile de palme, si elle vient de différents endroits, si l’huile de palme provient d’une monoculture ni même si la culture est bio. Il est difficile de contrôler tout cela. Pour des raisons de transparence, nous renonçons donc à l’utilisation de produit semi-finis.
Hanna : nous essayons toujours d’avoir quelques longueurs d’avance sur le marché. Heureusement, les règles évoluent lentement mais sûrement dans la bonne direction. La directive européenne interdisant le greenwashing est un bon exemple. Elle définit les critères qui doivent être respectés pour qu’un produit ait le droit de donner certaines informations sur sa gestion environnementale. Jusqu’à présent, pour les fabricants transparents comme nous, il était difficile de s’imposer face aux grandes marques qui utilisent un vocabulaire puissant et trompeur pour commercialiser leurs produits.
La INCI (nomenclature internationale des ingrédients cosmétiques) au dos de votre savon est étonnamment courte. La plus longue de comporte que 12 ingrédients. Une longue liste d’ingrédients n’est pas synonyme de mauvais produit pour autant, mais pourquoi une INCI courte était importante à vos yeux ?
Johan : tu as raison. Mais avec une INCI de plus de 30 ingrédients, comme c’est souvent le cas, la majorité des clientes et clients sont perdus. Même l’aide des applis comme Codecheck est limitée. Notre ambition est d’avoir une liste courte pour être transparents. Ainsi, contrôler les fournisseurs est plus facile pour nous.
Hanna : nous ne nous sommes pas dit : « tant d’ingrédients peuvent être présents et pas un de plus ». Nous avons tout simplement remarqué que, pour obtenir la qualité désirée, nous n’avions pas besoin de plus d’ingrédients dans la formule.
Puisque nous parlons ingrédients : les ingrédients So Natürlich sont-ils naturels ?
Hanna : oui, 100 % de nos matières premières sont d’origine naturelle. Nous les qualifions délibérément de « natural derivated » ou dérivés naturels, car seule leur provenance est issue de la nature. Le procédé qui suit, à savoir la saponification, est un procédé chimique. Pour nous les 100 % sont indispensables. En effet, quand on lit 95 % sur un produit, cela paraît beaucoup, mais un tel nombre peut aussi être atteint avec une grande quantité d’eau dans la formule. Cette valeur n’est donc pas vraiment significative.
D’où proviennent vos matières premières ?
Johan : nos huiles proviennent d’Espagne, d’Italie, d’Indonésie, d’Inde, du Sri Lanka et de quelques plantations situées en Afrique du Nord. Toutes sont issues de l’agriculture biologique. Le fait que les matières premières proviennent de l’agriculture biologique n’est malheureusement pas un critère qu’il faut remplir si l’on souhaite être certifié comme cosmétique naturel.
Hanna : c’est aussi la raison pour laquelle nous y avons renoncé, car nos attentes à nos produits étaient toujours supérieures à celle d’un coûteux label de qualité. Entre-temps, nous aussi sommes certifiés cosmétiques naturels. Nous avons aussi établi nos propres directives d’achat. Certes, le prix joue un rôle, mais les transports, l’approvisionnement en eau des plantations, etc. sont tout aussi importants à nos yeux.
Avez-vous rencontré des obstacles inattendus lors du développement ?
Johan : oui et ils étaient nombreux. La stabilité et la viscosité actuelle de notre True Body Soap étaient difficiles à obtenir. Le vrai savon est bien plus fluide que les gels douche courants. Pour le rendre plus visqueux, la composition de l’acide gras doit être très précise.
Passons au contenant : vos savons Soeder sont connus pour leur distributeur en verre marron. Pour le True Body Soap, vous misez maintenant sur du plastique.
Johan : le verre est un super matériau, à condition de l’utiliser au moins dix fois. Par contre, il n’est pas vraiment adapté au transport dans le sac de sport. De plus, si un emballage est utilisé moins de fois, le bilan de CO₂ pour le plastique est meilleur. Le verre est plus gourmand en énergie et son bilan CO₂ est moins bon.
Mais vous avez un système de recharge, non ?
Hanna: notre système de recharge est proposé dans nos boutiques, cependant, tout le monde n’y a pas accès. Si un client ou une cliente achète son produit sur Galaxus, son point de recharge n’est peut-être pas au coin de la rue. C’est pourquoi nous voulions absolument que l’emballage soit le plus écologique possible, même si l’emballage est jeté et non rechargé.
Comment avez-vous procédé ?
Hanna : nos emballages sont composés à 100 % de déchets plastiques européens recyclés. Cela constitue une exception sur le marché. Des bouteilles en plastique provenant d’Allemagne sont traitées en Italie avec l’aide de la société Eurowaste et transformées en Suisse en produit fini.
Johan : le plastique recyclé provient souvent d’Extrême-Orient.
Hanna : de plus, nos bouteilles sont faites en un seul matériau. Nous n’utilisons pas de mélange de plastiques. C’est d’la seule possibilité pour l’emballage d’être recyclé et réutilisé. En plus, vous pouvez aussi nous rapporter votre bouteille, ou la mettre au recyclage dans un supermarché local.
Lequel des quatre parfums est votre préféré : eucalyptus, lavande, agrumes ou savon nature ?
Hanna : actuellement je préfère le parfum neutre « Zero ». J’aime le parfum du savon, qui est un peu salé et sent vraiment le propre.
Johan : cela dépend de mon humeur. C’était aussi l’idée de base pour les différents parfums. Il y en a un pour chaque humeur. En été, je trouve l’eucalyptus rafraîchissant et en hiver, la lavande me calme.
Le Body Soap n’est que le début de So Natürlich. Quels autres produits de soins nous attendent ?
Johan : un shampoing suivra dans un avenir proche. Nous restons donc dans la douche.
Remarque : comme vous pouvez le voir sur les images, un crochet réutilisable de So Natürlich est disponible pour accrocher le savon de douche. Nous ne pouvons actuellement pas le livrer. Je vous tiendrai au courant.
En tant que fan de Disney je vois toujours la vie en rose, je vénère les séries des années 90 et les sirènes font partie de ma religion. Quand je ne danse pas sous une pluie de paillettes, on me trouve à des soirées pyjama ou devant ma coiffeuse. PS Le lard est un de mes aliments favoris.