Pourquoi les camions américains ont-ils un si long capot ?
En coulisse

Pourquoi les camions américains ont-ils un si long capot ?

Si vous avez roulé sur les autoroutes américaines, vous avez sûrement déjà vu ces grands camions au long museau qui n’ont rien à voir avec les camions européens. C’est à un ministre des transports allemand que l’on doit le museau plat des modèles de chez nous, aussi appelé cabine avancée ou « cab over ».

Nous avons fait un road trip dans l’Ouest des États-Unis. Au cours des nombreuses heures passées sur l’asphalte, nous avons été frappés par la taille des camions locaux. Ils m’ont fait penser aux héros de mon enfance : Bandit (joué par Burt Reynolds dans le film Cours après moi shérif, sorti en 1977), qui achemine 400 caisses de bière du Texas à la Géorgie, accompagné de son ami Snowman, ou Franz Meersdonk (Manfred Krug), dans la série Les Routiers, sortie en 1978 et produite par ARD. Le premier conduisait un monstrueux Kenworth W-900, alors que le deuxième était assis au volant d’un Mercedes-Benz NG 1632.

Manfred Krug, alias Franz Meersdonk, au volant d’un NG 1632 dans « Les Routiers ».
Manfred Krug, alias Franz Meersdonk, au volant d’un NG 1632 dans « Les Routiers ».
Source : Mercedes Benz AG

Je me suis demandé ce qui se serait passé si les rôles avaient été inversés, si Franz Meersdonk avait conduit le camion américain, et Snowman le cab over de Mercedes. Ça aurait été bizarre, non ?

Au fait, pourquoi les camions sont-ils beaucoup plus grands aux États-Unis ?

Sans entrer dans les détails, disons que Hans-Christoph Seebohm, ancien ministre des transports allemand, a publié des lois, communément appelées les « Seebohm’schen Gesetze » (en allemand), qui ont aplati le capot des camions allemands avant de s’attaquer à celui des camions européens. Comment, me direz-vous ? Eh bien, ce monsieur a limité les dimensions et le poids des camions à partir de 1956 afin de rendre plus compétitifs les transports de marchandises assurés par les chemins de fer fédéraux allemands. Le principe était simple : des camions plus courts ont une plus petite surface de chargement. Or le ministre avait compté la cabine dans la surface de chargement. Les constructeurs ont donc raccourci l’avant des modèles pour avoir plus de volume de chargement à l’arrière. Malin, non ? Avec l’entrée en vigueur de réglementations communes au sein de l’Espace économique européen (EEE), les camions ont repris de la longueur, mais les capots ne se sont pas allongés pour autant. Aujourd’hui, un camion européen ne doit pas dépasser 18,75 mètres, de l’extrémité avant de la cabine à l’extrémité arrière de la remorque additionnelle. Un semi-remorque, combinaison d'un véhicule tracteur comme un camion et sa remorque, ne peuvent pas dépasser les 16,50 mètres.

Les camions à long capot existaient toujours après la guerre

Les camions à long capot roulaient sur les routes allemandes durant l’après-guerre, avant que Hans-Christoph Seebohm n’intervienne. Sur ces modèles, le moteur est placé devant l’essieu. Le conducteur s’assied donc derrière le moteur. À l’inverse, dans les véhicules à capot court, le moteur se trouve sur l’essieu. Le conducteur doit grimper dans la cabine, qui repose sur le moteur.

Les camions produits en Allemagne par des constructeurs tels que Faun, Magirus Deutz, MAN ou Mercedes Benz avaient généralement des capots plus ou moins longs, sous lesquels les gros moteurs avaient de la place et étaient facilement accessibles lors des réparations et de l’entretien. La longueur des véhicules n’était pas encore réglementée. La plupart des fabricants construisaient donc ce qu’ils avaient produit avant, mais aussi pendant la guerre.

Le L 6600 était un modèle très populaire dans l’Allemagne d’après-guerre, capot long inclus.
Le L 6600 était un modèle très populaire dans l’Allemagne d’après-guerre, capot long inclus.
Source : Mercedes Benz AG

Les fabricants américains, quant à eux, n’ont pas eu à se soucier de ces changements législatifs. En revanche, ils étaient soumis à des restrictions de poids qui variaient parfois énormément d’un État à l’autre jusqu’en 1982. Certains États limitaient strictement la longueur autorisée, d’autres pas du tout. Conséquence : les camions à long capot y sont encore bel et bien présents.

Les routiers, des cowboys modernes du bitume

Dans les années 1970, les conducteurs (les conductrices étaient encore rares) sont devenus un phénomène culturel. On les a qualifiés de « cowboys modernes » qui se rebellaient contre les contrôles de vitesse et les taxes routières. Du moins, c’était l’idée qu’on s’en faisait.

Dans la réalité, ils passaient souvent plusieurs jours sur les interstates, parcourant des distances incommensurables. Aux États-Unis, les distances sont si grandes et la densité de population parfois si faible que le camion n’est pas seulement un outil de travail, mais aussi un logement.

En 1982, une nouvelle loi américaine (en anglais) a mis fin au flou juridique. Les législateurs ont entre autres décidé que la limitation de longueur ne s’appliquerait plus qu’à la semi-remorque, la longueur du véhicule tracteur n’étant plus mesurée. Et ce, dans tout le pays. Les longs capots ont eu le champ totalement libre ; les cabines ont été allongées et mieux aménagées. Il reste quelques camions au museau court, plutôt utilisés dans les villes, puisque les camions-poubelles ou les camions de livraison ont plus besoin d’un petit rayon de braquage que d’une cabine de luxe.

Les longs capots ont plusieurs avantages

Les grandes distances se font dans des camions à long capot. Ce type de construction allonge la distance entre les essieux, ce qui permet d’absorber les inégalités sur les autoroutes américaines et d’augmenter la stabilité directionnelle. Et comme la cabine de conduite ne repose pas sur le moteur, ses vibrations et sa chaleur y sont moins perceptibles. Un long capot augmente aussi l’aérodynamisme, ce qui réduit la consommation de carburant – du moins en théorie, puisque les moteurs sont plus gros, et la limite de vitesse plus élevée aux États-Unis. En fin de compte, la consommation augmente elle aussi.

Le Western Star 75X de Daimler Trucks est un parfait exemple de camion moderne américain.
Le Western Star 75X de Daimler Trucks est un parfait exemple de camion moderne américain.
Source : Daimler Trucks

Les longs capots ont aussi une zone de déformation étendue. En cas de carambolage ou de collision avec un autre camion, les routiers sont mieux protégés. C’est d’autant plus important que sur les autoroutes américaines, les camions sont souvent autorisés à rouler aussi vite que les voitures. Il n’est pas rare de rouler à 110, voire 120 km/h, alors qu’en Suisse et en Allemagne, la vitesse maximale des camions est fixée à 80 km/h.

Plus de confort sur la route et lors des réparations

Dernier avantage, les camions de construction américaine sont plus faciles à réparer : pour accéder au moteur, il suffit d’ouvrir des clapets placés sur le capot. Sur les modèles européens, la cabine doit être rabattue vers l’avant. Il faut donc la sécuriser et retirer tout ce qui pourrait se déplacer et tomber sur le pare-brise lors du basculement.

Les camionneurs américains n’ont pas à se soucier de ça. Par ailleurs, les véhicules spécialement conçus pour les longs trajets deviennent de plus en plus confortables. Les modèles actuels ont même une version « sleeper », qui comprend
une penderie, un évier, un réfrigérateur, un four à micro-ondes, la climatisation, un coin salon ou un canapé et, bien sûr, un lit confortable, souvent en mezzanine. Un vrai camping-car ! Voici par exemple le VNL 860 de Volvo.

Ces cabines modernes mesurent plus de cinq mètres de long. Le capot est un peu plus court que celui des camions des années 80 ou 90, ce qui laisse suffisamment de longueur pour la cabine à proprement parler. Jusqu’en 2020, la longueur maximale du véhicule tracteur autorisée était de 2,35 m au sein de l’UE. La cabine laissait tout juste assez de place pour un lit étroit derrière le siège du conducteur. Mais les cabines de plus de trois mètres de long sont autorisées depuis que les directives européennes ont été adaptées pour ouvrir la voie à des modèles arrondis, améliorant ainsi l’aérodynamisme et réduisant la consommation. Comme le développement de nouveaux véhicules demande du temps et de l’argent, il faudra attendre encore un peu avant de les apercevoir sur les routes. En attendant une norme internationale, les constructeurs mondiaux doivent continuer à développer des modèles différents selon les continents, et les camionneurs américains et canadiens pourront s’étonner encore quelque temps du museau plat des camions européens. Nos chauffeurs locaux ont la possibilité de conduire des camions américains... dans les jeux vidéo. Et si vous voulez vraiment voir ce genre de modèles de près, assemblez un modèle réduit !

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Photo d’en-tête : Martin Jungfer

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Je suis journaliste depuis 1997. Stationné en Franconie, au bord du lac de Constance, à Obwald, Nidwald et Zurich. Père de famille depuis 2014. Expert en organisation rédactionnelle et motivation. Les thèmes abordés ? La durabilité, les outils de télétravail, les belles choses pour la maison, les jouets créatifs et les articles de sport. 


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