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Une histoire qui ne manque pas de piquant ou comment le sel au piment de Herrliberg m’a laissée sans voix
![Darina Schweizer](/im/Files/7/5/0/3/9/9/4/9/Portratbild_Darina.jpeg?impolicy=avatar&resizeWidth=40)
Du sel et du piment, c’est tout ce que doit contenir le sel au piment The Art of Spice. Mais qu’est-ce qui rend son goût si unique ? Je suis allée enquêter à l’atelier de production à Herrliberg.
It’s getting hot in here.
La formule qui figure sur l’emballage du sel au piment annonce la couleur. C’est sous un soleil de plomb que j’arrive dégoulinante de sueur à la porte de la fondation Martin Stiftung à Herrliberg. J’ai le sentiment que la température va encore grimper au-delà des 33 degrés qui règnent actuellement.
À l’intérieur, des personnes s’affairent comme des fourmis de feu dans l’atelier de production. On remarque à peine qu’elles souffrent de troubles cognitifs. « T’es de chez Galaxus, non ? Il est où mon bracelet de jogging ? », me lance une jeune femme pleine d’entrain. Elle ne fait pas dans la dentelle, j’adore ! Elle me conduit à la responsable du groupe de travail, Ramona Selinger, qui a en charge douze personnes sur un total de 45. Petites pièces, denrées alimentaires, emballages : à Herrliberg, on travaille sur toute sorte de choses, comme l’explique Ramona pendant la visite guidée.
Personnellement, je suis venue pour quelque chose de précis : le sel au piment. L’entreprise zurichoise The Art of Spice le fait fabriquer ici, de A à Z. Au passage, c’est le plus fort de ses dix assaisonnements. Mes propres papilles vont très vite en faire l’expérience. Deux couvre-chaussures et une charlotte sur la tête plus tard, je m’aventure dans l’antre du piment avec Ramona. Igor, le pro de la purée, Ursula, la magicienne du mixeur, et Sandra, la spécialiste du travail de précision, sont déjà prêts. Josef Diethelm, directeur de The Art of Spice, nous a également rejoints. C’est parti !
![Les piments sont prêts à être transformés.](/im/Files/7/5/3/1/9/6/6/1/agax_repo_chilisalz_038.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Source : Christian Walker
Ramona et Igor hissent deux bassines remplies de fruits rouge vif sur la table. « Carolina Reaper et piment Naga », dit Josef en nommant les variétés. Il se les procure en Suisse, auprès de Chilibaron à Horgen et de Chili-Paradies à Pfyn. « Nous ne prenons que les piments qui sont mûrs à point. C’est pourquoi le goût de nos assaisonnements varie toujours légèrement. Mais le piquant reste toujours le même. » Je vais en avoir un avant-goût.
Igor enlève les tiges des piments et trie les fruits endommagés. Ramona les contrôle. Tout est ok. Les piments sont maintenant mis dans un mixeur. Les fruits se bousculent à l’intérieur avant d’être impitoyablement écrasés. Igor sourit. Alors qu’il ouvre le couvercle et vérifie avec Ramona que tous les piments sont bien écrasés, Ursula me donne un coup de coude : « Attention, m’avertit-dit, ça va piquer. » Je ne remarque rien. Je me dis qu’Ursula s’est peut-être trompée. C’est ce qu’on va voir.
![Les piments dans le mixeur...](/im/Files/7/5/3/1/9/6/5/5/agax_repo_chilisalz_026.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Source : Christian Walker
![... ont été écrasés en une purée onctueuse.](/im/Files/7/5/3/1/9/6/5/4/agax_repo_chilisalz_025.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Source : Christian Walker
Je demande à Josef si les mélanges d’épices sont devenus son métier principal. « Non, je fais ça à côté, mais j’y mets tout mon cœur », répond-il en riant. Lui qui vient d’avoir un enfant travaille dans une banque, et son acolyte Tim Subbert est informaticien. Tous deux adorent voyager et s’inspirer des cuisines exotiques. Cela fait trois ans qu’ils produisent leurs propres mélanges d’épices. « Au début, on faisait tout tout seuls. Mais après les 1500 premiers paquets, nous avons compris que nous avions besoin d’aide. Lorsque nous avons découvert la Martin Stiftung, il était évident que nous étions entre de bonnes mains. Nous pouvons non seulement produire localement, mais aussi faire bouger les choses sur le plan social », déclare Josef, rayonnant.
Alors que je m’apprête à lui poser encore des questions, j’ai le gosier qui commence à me chatouiller. Je me racle la gorge, je tousse. J’en perds la voix.
It’s getting hot in here.
Je me souviens de la phrase sur le paquet de sel au piment. Les yeux larmoyants, je tourne le regard vers Ursula. « Ça pique pas mal, hein ? Au début, je toussais si fort qu’il fallait que je sorte », rit-elle. Je lui adresse un sourire crispé. Pas question d’en arriver là. Ramona me tend un masque respiratoire. Je respire, soulagée.
Entre-temps, la purée de piment est prête. Sandra pèse la quantité adéquate pour un premier chargement. Ce type de travail est un bon exercice pour le personnel qui se réconcilie ainsi avec les chiffres, explique Ramona. « Certaines personnes ont pour ainsi dire appris à baisser les bras. Notre tâche est de trouver chez chacun et chacune un potentiel à encourager. » Soudain, Ramona intervient. « Stop, Sandra ! », s’exclame-t-elle. « Il y en a trop. Allez, on va en enlever un peu. » Les deux femmes versent la purée de piment dans un récipient contenant du sel suisse des Alpes. Sandra glousse alors que son T-shirt reçoit une éclaboussure. Pas de quoi fouetter un chat.
![Sandra mesure soigneusement la purée de piment.](/im/Files/7/5/3/1/9/6/5/3/agax_repo_chilisalz_015.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Source : Christian Walker
![Celle-ci est versée dans le sel des Alpes.](/im/Files/7/5/3/1/9/6/5/2/agax_repo_chilisalz_013.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Source : Christian Walker
![Dans le mélangeur, la purée et le sel forment une masse homogène.](/im/Files/7/5/3/1/9/6/5/1/agax_repo_chilisalz_009.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Source : Christian Walker
C’est au tour d’Ursula. Elle démarre la machine qui mélange la purée de piment et le sel. « C’est en cela que notre sel au piment se distingue de beaucoup d’autres », note Josef, chez nous, le piment n’est pas posé en flocons sur le sel, mais il est absorbé par celui-ci. » D’où le goût intense. Maintenant, il faut jouer des muscles. Igor retire la lourde cuve de la machine et déverse le sel de couleur saumon sur une plaque.
![Sandra et Ursula répartissent le sel au piment uniformément sur la plaque pour qu’il puisse bien sécher.](/im/Files/7/5/3/1/9/6/5/0/agax_repo_chilisalz_006.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Source : Christian Walker
« Piment ! », s’exclame Sandra avec bonheur. Elle sait que c’est son tour. Elle répartit délicatement le sel sur la plaque. Ramona lui rappelle de laisser les bordures libres. Ces tâches permettent aux membres du personnel d’apprendre à travailler avec précision. Lorsque Sandra a terminé, elle transporte la plaque jusqu’à une armoire où le sel va sécher pendant deux à trois jours. Il est ensuite conditionné et scellé à l’aide d’un autocollant et d’un tampon. « L’autocollant doit être droit, vraiment très droit », souligne Ursula. « Oh oui, dit Josef en riant, quand j’ai essayé une fois, ils étaient collés n’importe comment sur l’emballage. » – « Il faut faire un effort », rétorque malicieusement Ursula.
Ursula, Sandra et Igor forment une équipe soudée. En alternance avec trois autres personnes, ils fabriquent 70 à 80 kilos de sel au piment en une journée. En outre, ils conditionnent neuf autres épices pour The Art of Spice. Environ 4500 pots d’épices quittent la fondation Martin Stiftung chaque année. « Cette année, nous sommes même déjà à plus de 10 000 », se réjouit Josef. Et de nouvelles idées sont déjà sur le point de voir le jour. Les directeurs travaillent actuellement sur leur nouvel assaisonnement Berrytale pour le muesli du matin et sur des chips aux épices.
It’s getting hot in here.
Mon palais en feu aspire à la délivrance. Il est temps de partir. Je fais mes adieux à l’équipe. Igor, Ursula et Sandra me saluent joyeusement. En quittant la Martin Stiftung, il me reste sur la langue une petite saveur délicieusement piquante. Je viens de comprendre qu’il n’y a pas que du sel et du piment dans cet assaisonnement. Chaque personne y met aussi du sien. Cette découverte est à l’image de la vie, haute en couleur et diverse. Et c’est sans doute pour cela qu’elle a si bon goût.
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J’aime tout ce qui a quatre pattes et des racines. La lecture me permet de plonger dans les abîmes de l’être humain. Je déteste les montagnes : elles ne font que cacher la vue sur la mer. Quand j’ai besoin d’air frais, je vais le respirer au sommet d’un phare.