
Critique
"The Darkest Files" est déjà l'un des jeux narratifs les plus impressionnants de l'année
par Kim Muntinga
« American Arcadia » constitue l’émission de téléréalité la plus célèbre du monde. Seulement, les participant·es ne le savent pas. Trevor en fait partie. Dans une aventure cinéastique, je l’aide à prendre la fuite.
Trevor Hills est le personnage le plus ennuyeux d’American Arcadia. L’émission de téléréalité est comme The Truman Show, mais en beaucoup plus grand. Et à la différence que ce n’est pas une, mais toutes les personnes qui constituent un programme de divertissement involontaire pour des millions de téléspectatrices et téléspectateurs. Dans le cas de Trevor, une seule personne regarde ce qu’il fait et ça lui sera fatal. En effet, celles et ceux qui ne génèrent pas de quotas dans American Arcadia seront supprimé·es. Sa seule téléspectatrice, Angela Solano, veut éviter cela et l’aide à s’échapper.
Dans American Arcadia, je joue alternativement Trevor ou Angela. Quand j’incarne Trevor, le jeu est en 2,5D et se joue comme un puzzle platformer typique, dans lequel je cours de gauche à droite. Avec Angela, en revanche, le jeu passe en perspective du joueur et c’est ma matière grise qui entre en jeu plutôt que mon habileté.
L’American Arcadia de Trevor est une métropole rétrofuturiste des années 70, située sous un gigantesque dôme. Les pantalons pattes d’éléphant et les couleurs vives se mêlent aux drones et aux robots de nettoyage qui parlent. Dans le monde réel, celui d’Angela, on est en 2023.
Trevor vit sa petite vie idyllique et calme jusqu’à ce qu’Angela lui dise la vérité sur American Arcadia. Commence alors une fuite tumultueuse qui me tient en haleine jusqu’à la fin du jeu. Au début, il s’agit de semer les poursuivants qui veulent accompagner Trevor dans ce qu’ils croient être une croisière. Angela les appelle les « Beastie Boys » parce qu’ils ressemblent au trio de hip-hop dans leur clip Sabotage. Bien entendu, Trevor ne comprend pas cette référence à la culture pop des années 90. De toute façon, il est trop occupé à courir.
La fuite mène l’employé de bureau dégingandé dans les coulisses de l’émission de Big Brother. Quand courir et escalader ne suffit plus, c’est Angela qui entre en jeu. En appuyant sur un bouton, je passe à sa perspective, dans laquelle j’observe Trevor depuis son écran. Angela travaille comme technicienne de scène chez Walton Media, la société qui produit American Arcadia. Cela lui permet de garder Trevor toujours à l’œil. Angela est une redoutable pirate informatique. Elle aide Trevor en déverrouillant des portes et en éteignant des lumières pour qu’il puisse se faufiler discrètement devant les agents de sécurité. De temps en temps, elle pilote aussi une grue pour permettre à Trevor de s’échapper par le toit d’un immeuble.
Si Angela ne donne pas directement un coup de main à Trevor, elle doit obtenir l’accès à des zones fermées chez Walton Media. Au début, je dois attribuer une boucle vidéo à quelques caméras afin de pouvoir m’octroyer discrètement des droits d’administrateur dans la salle des serveurs. Plus tard, les énigmes sont plus épineuses et je dois reprogrammer des circuits ou me faufiler à travers des barrières laser à la Mission Impossible. Mais contrairement à Tom Cruise, l’égérie de la scientologie, les lasers sont invisibles et je dois mémoriser le motif au préalable.
Souvent, il faut non seulement travailler en équipe, mais aussi être multitâche. Il ne faut pas longtemps pour qu’Angela attire également le regard de Walton Media. Le chef de la sécurité débarque dans son bureau sans prévenir. Juste au moment où je suis sur le point de me faufiler avec Trevor dans un bus touristique salvateur. Les personnes extérieures d’Arcadia peuvent en effet entrer dans l’émission de téléréalité, et surtout, en repartir.
La caméra revient sur Angela. Sur son écran, je continue à voir et à contrôler Trevor, en essayant de le faire passer devant des gardes. Je dois courir lorsque les jets d’eau de la gare routière jaillissent vers le haut et me cachent momentanément. En tant qu’Angela, je réponds en même temps aux questions insistantes du chef de la sécurité. Il s’agit de moments particulièrement forts dans le jeu du studio espagnol Out of the Blue.
Les passages de Trevor et d’Angela ont tous les deux une belle fluidité et n’agacent que parfois avec des essais et des erreurs inutiles. Pendant une demi-heure, j’ai été occupé en incarnant Angela à retirer des post-it pesants. Seulement pour me faire prendre à chaque fois par ma fouineuse de cheffe. Jusqu’à ce que finalement je pense à fermer les rideaux. Quand j’étais Trevor, j’ai souvent été menacé par des flèches de sommeil parce que quelqu’un m’avait aperçu quelque part. Cela dit, une fois qu’on a compris ce qui était attendu, on passe vite fait à l’étape suivante. On ne s’ennuie jamais.
Les deux protagonistes sont divertissants. Comme ils sont généralement en contact radio les uns avec les autres, ils échangent plus que les informations minimums. Trevor, en particulier, est avide de savoir ce qui se cache derrière la façade d’Arcadia. Plus le jeu avance, plus il passe du statut de travailleur discret dans la roue du hamster à celui de fonceur à l’esprit vif. Dès le début, Angela n’a pas froid aux yeux et aligne les joutes oratoires avec sa patronne très carrée.
Les scènes cinématiques ajoutent également quelque chose à l’ambiance. Le jeu est régulièrement interrompu par des interviews, des émissions de télévision enregistrées ou des campagnes de publicité d’Arcadia. J’y apprends davantage sur la création de la cage dorée, les machinations de Walton et ce que le monde pense d’American Arcadia. Ici, le jeu n’est pas avare en critique sociale et montre à quel point nous sommes effrontés, voyeurs et avides de sensations.
Arcadia se compose de lieux variés et impressionnants. Visuellement, le jeu est magnifiquement mis en scène de manière cinéastique – malgré un style graphique sobre. Même sans nez, les visages sont plus expressifs que les mannequins dans Starfield. Les intervenant·es anglophones contribuent également en grande partie à l’ambiance. En particulier Yuri Lowenthal dans le rôle de Trevor et Krizia Bajos dans celui d’Angela.
American Arcadia est un jeu rafraîchissant et différent. Le mélange entre un plateformer 2,5D et des passages de casse-tête dans la perspective du joueur offre une grande variété. On ne s’ennuie jamais, Trevor est trop occupé à faire des manœuvres d’évasion spectaculaires. Pendant ce temps, Angela pirate des systèmes de sécurité un peu trop laxistes et découvre les manœuvres secrètes de l’empire télévisuel Walton.
Le jeu est relativement court avec une durée d’environ sept heures. Cela permet de maintenir une bonne cadence avec de nouveaux lieux, énigmes et révélations jusqu’à la fin. J’ai eu du mal à lâcher le jeu.
Le monde aux accents de George Orwell, le groupe de médias sans scrupules et les spectateurs et spectatrices qui veulent être diverti·es à tout prix offrent un décor passionnant. American Arcadia constitue l’une des plus grandes surprises de l’année dans le domaine des jeux.
Le jeu est disponible sur PC. Le jeu a été mis à ma disposition par Raw Fury.
En tant que fou de jeu et de gadgets, je suis dans mon élément chez digitec et Galaxus. Quand je ne suis pas comme Tim Taylor à bidouiller mon PC ou en train de parler de jeux dans mon Podcast http://www.onemorelevel.ch, j’aime bien me poser sur mon biclou et trouver quelques bons trails. Je comble mes besoins culturels avec une petite mousse et des conversations profondes lors des matchs souvent très frustrants du FC Winterthour.