Point de vue
Je suis papa et je fais du vélo sans casque
par Martin Rupf
Récemment, je vous ai révélé que je ne portais pas de casque lorsque je faisais du vélo avec mes enfants et vous ne m'avez pas loupé. À juste titre ? Jetons un coup d'œil aux autres pays.
Je me permets de ne pas porter de casque lorsque je fais des sorties à vélo avec mes enfants. Lorsque j'ai publié ceci il y a exactement un mois, je n'avais pas l'intention de faire de la provocation, comme l'ont suggéré de nombreux lecteurs et lectrices. Je voulais simplement mettre en lumière le thème de l'exemplarité et de l'approche parentale des règles et des normes de comportement.
Bien sûr, je m'attendais à quelques réactions. Et pourtant, j'ai été surpris par vos plus de 500 commentaires et, parfois, la violence de vos propos. 95 % des commentateurs ont qualifié mon comportement d'irresponsable. L'utilisateur « shy_lachi » a par exemple écrit qu'« une blessure à la tête, même dans le cas d'un accident dont on n'est pas responsable, est un fardeau énorme pour une famille. Si on ne porte pas de casque, on impose donc ce risque à toute la famille. » Ou « the-firefighter » : « Tu écris des conneries comme ça et tu crois avoir mangé la sagesse avec une cuillère. » Ou encore « Jason R », avec une petite pointe d'humour : « C'est simple : celui qui a quelque chose à protéger, porte un casque. » Même ma collègue de la rédaction Katja Fischer, elle-même mère de deux enfants, s'est sentie obligée de me faire la leçon dans sa réplique.
Mon « plaidoyer pour plus de désobéissance parentale » n'a suscité que quelques réactions positives isolées. Ainsi, « mjakopp » a déclaré : « Celui qui essaie d'envelopper ses enfants dans du coton, les verra plus tard s'écraser d'autant plus durement. » Ou encore « Lagi82 » a écrit : « C'est quand même bizarre, si on va au magasin du village sans casque, on est tout de suite considéré comme un candidat à la mort dans cette colonne de commentaires. Personnellement, c'est ça qui me préoccupe le plus. »
Ceux qui me connaissent savent que je ne change pas d'avis comme de chemise. Mais les nombreux retours m'ont fait réfléchir. Ai-je peut-être tort de penser ainsi ? Ou est-ce que ça pourrait être le contraire ? Que je fais preuve d'un degré raisonnable de prudence, mais que cela n'est pas suffisamment exemplaire pour le Monsieur et Madame Tout-le-Monde moyen, voire qu'il s'agit carrément de négligence ?
Récemment, je suis parti en vacances avec ma famille. Nous étions d'abord à Rotterdam, puis nous avons rejoint l'Angleterre. Après quelques minutes déjà, j'ai remarqué dans la ville portuaire hollandaise que presque tou·tes les cyclistes pédalaient dans les rues sans casque.
Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à mon article et aux réactions qu'il a suscitées. Je vous l'avoue. J'ai ressenti une petite pointe de satisfaction : « Ah, si tous ceux qui m'ont critiqué pouvaient voir à quel point les gens sont déraisonnables sur leurs deux-roues ! » La cerise sur le gâteau a été une mère sans casque qui roulait avec son petit enfant, lui aussi sans casque. Mais ce n'est pas tout : l'enfant était assis sur un siège monté sur le guidon. Ainsi, si la mère tombait, son enfant ferait pour ainsi dire office d'airbag humain. C'est allé trop loin, même à mon goût. Je n'ai (je crois) jamais roulé comme ça avec mes enfants. Malheureusement, la mère nous avait déjà dépassés avant que je n'aie eu le temps de la photographier. Mais au plus tard à ce moment-là, j'ai compris que je voulais, non, que je devais, partager mes impressions avec la communauté Galaxus.
D'autant plus que j'ai apprécié de pouvoir pédaler comme je l'entendais à Rotterdam, sans être regardé de travers de tous les côtés. En effet, pendant deux jours, j'ai loué un vélo cargo dans lequel j'ai mis mes enfants, bien sûr sans casque.
Moi-même ainsi que ma femme qui avait un vélo séparé ne portaient pas de casque. Après tout, nous ne voulions pas nous faire remarquer en tant que touristes suisses bizarres ou, au pire, piétiner les coutumes de nos hôtes. Lors de nos virées en ville, les cyclistes casqué·es se comptaient sur les doigts d'une main.
Pour être juste, il faut dire que Rotterdam est un eldorado pour les cyclistes, surtout si on la compare à une ville comme Zurich. Partout, il y a des voies séparées pour les vélos et des feux de signalisation séparés. Il peut donc arriver que les voitures doivent s'arrêter un peu plus longtemps pour que les cyclistes puissent se mettre en mouvement sans être dérangés. Rien à voir avec Zurich, par exemple, où je me sens parfois autant en sécurité en tant que cycliste qu'un chat dans un chenil. De plus, il n'y a pratiquement pas de pente à Rotterdam, ce qui explique que les vélos – on ne rencontre guère de vélos électriques – roulent à une vitesse modérée. En bref : le risque de collision entre les deux et les quatre roues est relativement faible.
La situation est d'ailleurs similaire à Copenhague, la ville natale de ma mère. On y croise aussi des tas de cyclistes sans casque, et ce dans une ville de plusieurs millions d'habitants avec beaucoup de voitures et de bus. Et comme à Rotterdam, c'est parce que la capitale danoise accorde la même priorité, si ce n'est plus, aux déplacements à vélo.
Jusqu’ici, tout va bien. Mais qu'en est-il du port du casque en Angleterre, un pays moins porté sur le vélo ? Après une semaine passée à la campagne – où il n'y a pratiquement pas de cyclistes – et dans les zones urbaines, je peux affirmer qu'environ la moitié des personnes qui se déplaçaient à vélo portaient un casque. Nettement plus qu'à Rotterdam.
Mais il semble qu'en Angleterre aussi, il existe une espèce de tuteurs irresponsables. C'est ainsi que j'ai pu prendre une photo de Paul dans la petite ville portuaire de Margate, qui promenait sa fille Nellie Bee à vélo. Elle, au moins, portait un casque. Quand je lui ai demandé si je pouvais prendre une photo pour un article de suivi sur mon « non port du casque », il a juste ri et hoché la tête. Il n'a pas dit si son rire était dû à ma question ou plutôt au fait que, dans ce pays, tant de gens peuvent s'offusquer d'un père qui ne porte pas de casque.
Conclusion de mon étude de terrain à l'étranger : En matière de port du casque, il n'y a pas UNE bonne attitude ou UNE bonne conduite à adopter. La décision dépend plutôt du risque objectif – c'est-à-dire concrètement de l'infrastructure pour les deux-roues – et en fin de compte bien sûr aussi du sentiment subjectif de sécurité. En ce sens : avec ou sans casque, c'est avec la tête qu'on conduit.
Photo d'en-tête : ShutterstockDeux fois papa, troisième enfant de la famille, cueilleur de champignons et pêcheur, spectateur hardcore, à moitié danois et champion du monde des gaffes.