Apple Intelligence : le meilleur pour la fin ?
En coulisse

Apple Intelligence : le meilleur pour la fin ?

Samuel Buchmann
12/6/2024
Traduction: Martin Grande

En quête d’équilibre entre fonctionnalité, protection des données et pouvoir de marché, Apple veut se démarquer de Microsoft et de Google avec une IA personnelle.

La hype de l’intelligence artificielle (IA) est à son comble. Apple est le dernier géant de la technologie à sauter le pas. En ouverture de la conférence annuelle des développeurs WWDC, le directeur de l’ingénierie logicielle Craig Federighi a présenté l’Apple Intelligence.

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    Apple lance son offensive sur l'IA

    par Samuel Buchmann

Apple se concentre sur d’autres aspects que Microsoft et Google. L’entreprise exploite les points forts qu’elle a acquis au fil des années, dont le contrôle total sur son écosystème et la grande confiance de sa clientèle. Les idées sont intéressantes et l’architecture semble bien pensée. Le succès, lui, dépendra de l’utilisation au quotidien.

Externaliser le sale boulot

Les modèles d’IA générative se basent sur des données. Les entreprises comme OpenAI et Google gèrent leurs modèles comme le gavage des oies. Plus il y en a, mieux c’est. ChatGPT et Gemini dévorent tout Internet, que les propriétaires du contenu le veuillent ou non. Ce concept a ses avantages. La masse d’information élargit l’horizon de l’IA. En d’autres termes, elle emmagasine beaucoup d’informations.

L’engraissement des modèles de langue avec le contenu d’Internet est à la fois une bénédiction et une malédiction.

Cette accumulation de contenu n’a pas que des avantages. ChatGPT et Gemini se trompent régulièrement, entre autres parce que leurs sources se trompent également. Sur Internet, on trouve tout et n’importe quoi, et l’entraînement et le traitement des requêtes nécessitent d’autant plus de puissance de calcul.

L’approche d’Apple est différente. Au lieu de l’élevage en batterie, le CEO, Tim Cook, se met au bio. Apple Intelligence se base sur une plus petite quantité d’informations. Son alimentation principale est le contexte individuel de la personne utilisatrice. Le résultat est une assistance IA personnalisée. Elle sait quel vol votre maman a réservé dans deux mois, parce qu’elle l’a lu dans un de vos messages.

J’imagine l’IA d’Apple petite et mignonne, et pas trop gourmande.
J’imagine l’IA d’Apple petite et mignonne, et pas trop gourmande.
Source : Shutterstock

L’entreprise de Cupertino sait bien que ce système ne suffit pas toujours, mais il n’est pas question de créer un mégamodèle pour le moment. D’une part, les autres sont déjà très avancés dans ce domaine. D’autre part, Apple ne compte pas passer Internet au peigne fin sans droits d’auteur. Ça ne collerait pas avec l’image éthique de l’entreprise. Pour arriver à ses fins, Apple externalise le sale boulot. Pour certaines fonctions, elle emprunte la pléthore de connaissances générales dont OpenAI dispose.

Match à domicile

Ayant mis l’accent sur la protection des données pendant des années, Apple s’est forgé une image que l’entreprise veut protéger. En même temps, Siri devra user de son pouvoir de persuasion pour que vous lui accordiez l’accès à des contenus privés et potentiellement confidentiels. Elle lit vos e-mails. Elle enregistre vos cartes de crédit. Elle connait vos données médicales. Ça ne va pas plaire à tout le monde.

L’écosystème en réseau d’Apple permet une personnalisation de l’IA dont la concurrence peut toujours rêver.

L’offensive IA requiert une grande confiance qu’Apple a mis des années à gagner auprès de sa clientèle. Les appareils et les services sont tous liés à des comptes. L’écosystème en réseau d’Apple permet une personnalisation de l’IA dont la concurrence peut toujours rêver. Le concurrent le plus proche est Google. Néanmoins, le moteur de recherche le plus utilisé au monde ne jouit pas de la même confiance dans le traitement des informations personnelles et ne vend pas de matériel informatique synchronisé comme le fait Apple.

Le deuxième avantage est le contrôle complet du matériel et des applications natives. Le modèle IA s’intègre au niveau du système de l’appareil, et dans le cas d’Apple, il est connecté à l’iPhone, à l’iPad et au Mac. Ainsi, Siri a plus d’avantages potentiels que d’autres assistants IA. Enfin, des applis non natives obtiendront aussi l’accès à l’IA via des interfaces.

Entre protection des données et fonctionnalité

Ces nouveautés présentent un certain niveau de risque. Or, la confiance, ça s’entretient. Apple est sur le fil du rasoir entre une IA trop limitée et un éventuel scandale. Le tollé médiatique serait immense si des données personnelles se retrouvaient chez des tiers sans consentement ou si l’intégration de l’IA était utilisée à mauvais escient par des cyberpirates. Se voulant rassurant, Apple a expliqué en détail l’architecture d’Apple Intelligence.

Apple promet de ne jamais stocker les données des requêtes d’intelligence artificielle.
Apple promet de ne jamais stocker les données des requêtes d’intelligence artificielle.
Source : Capture d’écran de la conférence d’ouverture d’Apple

Apple promet que les requêtes et les données personnelles restent sur l’appareil ou sont cryptées pour être envoyées à des serveurs vérifiés. Sur ces serveurs, Apple les utilisera exclusivement pour le traitement de la requête en question avant de les supprimer. On voit là une volonté claire de l’entreprise de se distinguer de la concurrence avide de quantité.

Anonymisation des données

La protection des données affichée vaut aussi pour le nouveau partenaire, quoiqu’Apple préfère ne pas entrer dans les détails de l’accord. Le CEO d’OpenAI, Sam Altman, est au centre de luttes de pouvoir. Dans le NY Times entre autres, les mises en garde contre une culture de la négligence se multiplient. Des artistes et des maisons de presse poursuivent la société pour violation des droits d’auteur. Ce n’est pas en adéquation avec les valeurs d’Apple. Cependant, la marque à la pomme veut pouvoir proposer les bons services d’OpenAI à sa clientèle.

Qui veut profiter des services d’OpenAI doit passer par son CEO, Sam Altman.
Qui veut profiter des services d’OpenAI doit passer par son CEO, Sam Altman.
Source : Shutterstock

Résultat des courses : Apple intègre ChatGPT dans ses systèmes tout en insistant sur la distinction entre sa propre IA et le bot d’OpenAI. Pour chaque requête, vous devez explicitement accorder à ChatGPT l’accès aux données nécessaires. Elles sont anonymisées par Apple avant d’être envoyées à OpenAI. Pas besoin d’un compte séparé. Ainsi, l’opérateur ne peut pas profiler les individus.

D’une pomme deux coups

Apple fait bonne figure en matière de protection des données de sa clientèle. Le géant californien reste fidèle à ses principes. Il est toujours à la traîne par rapport aux autres, mais la mise en œuvre semble plus mature et réfléchie. Sans oublier la communication également supérieure. Le département marketing d’Apple présente les innovations avec plus de style que la concurrence.

Par la même occasion, le fabricant de l’iPhone positionne son matériel comme une plateforme pour les fournisseurs tiers d’IA.

L’IA pourrait s’avérer très rentable pour Apple, même si la concurrence est meilleure par endroits. Tom Cook fait d’une pierre deux coups. D’un côté, les fonctions premium d’Apple Intelligence pourront être monétarisées à l’avenir. D’un autre côté, le fabricant de l’iPhone positionne son matériel comme une plateforme pour les fournisseurs tiers tels qu’OpenAI. D’autant plus que la prise en charge d’autres modèles a déjà été annoncée.

Les projets d’Apple ont reçu un bel accueil à Wall Street. Les actions du géant de la technologie ont fait un bond dans les jours suivant la présentation.
Les projets d’Apple ont reçu un bel accueil à Wall Street. Les actions du géant de la technologie ont fait un bond dans les jours suivant la présentation.
Source : Screenshot Google Finance

Si tout fonctionne comme prévu, Apple conservera sa position de force dans l’ère de l’IA pour une grande partie des utilisateurs et utilisatrices. De plus, cette nouveauté nourrit l’intérêt de se procurer des appareils compatibles plus récents. Apple Intelligence nécessite du matériel actuel. La première version fonctionne sur tous les Macs à puce M, mais seulement sur l’iPhone 15 Pro. Si vous ne possédez pas le tout dernier smartphone, vous serez en difficulté. Plus Apple va loin dans l’intégration de l’IA dans son écosystème, plus l’achat d’un nouvel appareil presse.

Siri doit faire ses preuves

Les fonctions génératives présentées pour le texte et les images ne sont pas toutes nouvelles. L’innovation d’Apple est son intégration dans l’écosystème. Or, la facilité d’utilisation y joue un rôle clé. En général, les gens ne souhaitent pas devoir ouvrir une application séparée pour avoir accès aux services du bot. Ils veulent retrouver l’IA dans les diverses applis et systèmes.

Apple a les capacités pour intégrer l’IA à tous les niveaux, notamment pour l’analyse regroupée des e-mails et des notifications.
Apple a les capacités pour intégrer l’IA à tous les niveaux, notamment pour l’analyse regroupée des e-mails et des notifications.
Source : Apple

Apple Intelligence au quotidien doit encore faire ses preuves. La meilleure architecture ne sert à rien si Siri ne répond pas aux besoins de la clientèle. C’est précisément là que sa version précédente s’est avérée décevante. Les fonctions génératives devront être suffisamment bonnes et fiables. Nous verrons bien dans quelques mois si Apple Intelligence est à la hauteur de nos attentes.

Photo d’en-tête : Capture d'écran de la keynote Apple

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Mon empreinte digitale change régulièrement au point que mon MacBook ne la reconnaît plus. Pourquoi ? Lorsque je ne suis pas assis devant un écran ou en train de prendre des photos, je suis probablement accroché du bout des doigts au beau milieu d'une paroi rocheuse. 


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