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En coulisse

Au secours, les appareils dentaires ont envahi la bouche de tous les enfants

On a l’impression qu’aujourd’hui tous les enfants portent un appareil dentaire à un moment donné de leur vie. Quelles en sont les raisons, et comment les parents peuvent-ils s’assurer contre des coûts d’appareil dentaire exorbitants ? Une discussion avec un orthodontiste et un expert en assurance apporte des éclaircissements.

Vous souvenez-vous aussi de votre appareil dentaire (enfin, si vous en avez porté un) ? J’ai eu le droit de porter un appareil dentaire avec une plaque en plastique que je devais placer tous les soirs sous le palais. Régulièrement, après quelques semaines je devais resserrer mon appareil dentaire à l’aide d’une pointe de fil de fer pour que la pression sur mes dents reste toujours la même. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de cet appareil si ce n’est qu’il y avait un petit espace où se bloquaient les restes de nourriture que j’enlevais ensuite avec le bout de ma langue.

Je me souviens aussi très bien que tous les élèves de mon école n’avaient pas le plaisir de porter un appareil dentaire. Aujourd’hui, 40 ans plus tard, les choses semblent avoir changé. Lorsque récemment mes enfants âgés de 10 et 12 ans sont rentrés avec une convocation chez l’orthodontiste, je ne suis pas tombé des nues. En effet, depuis que nous sommes parents, la question n’est pas si mais plutôt quand nos enfants devront porter un appareil dentaire.

Aucune idée pourquoi le gamin en arrière-plan sourit...
Aucune idée pourquoi le gamin en arrière-plan sourit...
Source : Shutterstock / Iren_Geo

Le premier constat de l’orthodontiste a été le suivant : mon fils a une « légère supraclusie » et ma fille a « tendance à avoir un manque d’espace ». N’étant pas de la branche, je ne sais pas vraiment ce que cela signifie mais mon petit doigt me dit que nos enfants ne feront pas exception et devront eux aussi bientôt porter des appareils dentaires.

Avant, c’était souvent aux parents de raquer

Est-ce une impression ou c’est plus simple de trouver aujourd’hui un enfant qui n’aime pas les frites qu’un enfant sans appareil dentaire ? J’ai posé la question à quelqu’un qui devrait avoir la réponse. Claudius Wiedmer est médecin-dentiste spécialiste en orthodontie et membre du comité de la Société suisse d’orthopédie dento-faciale. « En fait, ce n’est qu’une impression », déclare-t-il. En Suisse, environ 50 % à 60 % des enfants et des jeunes portent un appareil dentaire à un moment donné de leur vie. « Mais effectivement, ces chiffres sont plus élevés qu’il y a quelques dizaines d’années . »

Selon le spécialiste, la raison principale réside dans l’émergence des assurances complémentaires. « Avant, les parents devaient souvent prendre en charge tous les coûts. Dans le doute, on renonçait à l’appareil dentaire. » Grâce aux assurances complémentaires, les parents se décident de nos jours plus facilement en faveur de l’appareil dentaire afin d’éviter les reproches de leurs enfants plus tard.

Claudius Wiedmer mentionne une seconde raison très intéressante à cette prolifération des appareils dentaires. « En Europe, la mâchoire inférieure a tendance à être trop en arrière. En Afrique ou en Asie, c’est le contraire, elle est trop en avant. » C’est précisément chez les enfants avec un parent européen et un parent asiatique qu’il peut y avoir un sérieux problème d’espace dans la bouche, car le rapport entre la taille de la mâchoire et la largeur des dents ne correspond pas. « Du point de vue de la médecine dentaire, on peut dire qu’un tel mélange génétique n’est pas toujours favorable », déclare-t-il en riant.

Claudius Wiedmer est membre du comité de la Société suisse d’orthopédie dento-faciale.
Claudius Wiedmer est membre du comité de la Société suisse d’orthopédie dento-faciale.
Source : Claudius Wiedmer

Les aborigènes ont quatre paires de dents de sagesse

Et dans quelle mesure notre alimentation influence-t-elle notre dentition ? « Il s’agit bien entendu d’un processus sur plusieurs siècles. » Le fait est que les dents des êtres humains sont conçues pour de la nourriture dure, ce qui entraîne l’usure et une réduction du volume des dents. « La nature a fait en sorte que les espaces qui se créent se referment par le fait que les dents se déplacent vers l’avant. En raison de la nourriture de plus en plus molle, les dents s’usent moins et il n’y a plus d’espace qui est créé, mais les dents continuent leur déplacement vers l’avant », explique Claudius Wiedmer.

Le fait que les personnes en Europe ont de moins en moins besoin de dents est démontré par le fait qu’il manque aujourd’hui au moins une dent de sagesse chez environ 30 % d’entre elles. « On peut dire que la nature se rend compte que nous n’avons plus besoin d’autant de dents. À l’inverse, les aborigènes d’Australie possèdent encore une dent derrière la dent de sagesse », affirme Claudius Wiedmer.

En fin de compte, savoir s’il faut prescrire un appareil dentaire à un enfant n’est pas une question de vie ou de mort. « Un appareil dentaire ne s’impose pour des raisons médicales que dans 20 % à 30 % des cas », explique Claudius Wiedmer. En d’autres termes, chez les 30 % restants, l’appareil dentaire n’est pas indispensable et ce n’est pas rare qu’il soit conseillé pour des raisons esthétiques. « Avant, on se voyait deux fois par jour dans le miroir, le matin et le soir. Aujourd’hui, avec l’émergence de la génération selfie, une belle dentition revêt de plus en plus d’importance. »

Parole d’orthodontiste : « Notre profession possède son lot de moutons noirs »

À partir de quel âge est-il conseillé de prendre rendez-vous chez un orthodontiste afin d’examiner si notre progéniture a besoin d’un appareil dentaire ? « C’est bien évidemment une question individuelle, mais en général on peut dire dès la neuvième ou la dixième année. » Chez environ 60 % des enfants, la mâchoire inférieure se trouve trop en arrière. « Dans ces cas-là, on utilise tout d’abord des appareils dentaires de nuit ou en plastique. » L’appareil dentaire fixe, qu’on appelle les « bagues », est seulement utilisé lorsque toutes les dents permanentes ont poussé et que la dentition est grosso modo correcte. « Et qu’il ne s’agit plus que de corriger la position des dents », explique Claudius Wiedmer.

On ouvre grand...
On ouvre grand...
Source : Shutterstock / MilanMarkovic78

Pour revenir à la thèse de départ : ce ne sont donc pas les méchants dentistes ou orthodontistes qui prescrivent arbitrairement des appareils dentaires par appât du gain ? « Outre les cas où un appareil dentaire s’impose pour des raisons médicales, le souhait vient souvent des parents », affirme le médecin-dentiste. Le fait est aussi que le nombre d’orthodontistes a presque doublé en Suisse en vingt ans. Et plus la concurrence est grande, plus le risque d’ordonnances abusives est élevé.

Claudius Wiedmer conseille si possible de consulter un médecin-dentiste spécialiste en orthodontie. « En règle générale, les dentistes ne disposent pas des connaissances approfondies nécessaires comme la ou le spécialiste qui, après le cycle d’études de base, a suivi un cursus universitaire de trois ou quatre ans. »

Avec une bonne assurance, tous les coûts sont presque couverts

Cela dit, comment peut-on s’assurer contre les coûts dentaires élevés ? Notre famille est assurée chez Concordia. C’est pourquoi je pose la question à Pascal Fries, chef du département prestations dentaires et AI chez Concordia. « Pour les coûts dentaires, nous proposons en principe deux solutions d’assurance. » D’une part, une assurance complémentaire générale qui, en plus des coûts de dentiste, couvre d’autres cas. « Selon le modèle, l’assurance prend en charge 50 % ou 75 % des coûts et ce de manière illimitée », explique Pascal Fries. D’autre part, il existe chez Concordia une assurance complémentaire pour les soins dentaires. « Selon le modèle, cette assurance prend en charge encore 50 % à 75 % des coûts, si ceux-ci ne sont pas déjà couverts par l’assurance complémentaire générale ; toutefois seulement jusqu’à 2000 francs suisses par année calendaire. »

Pascal Fries nous donne un exemple : « Partons d’une facture pour un appareil dentaire de 10 000 francs suisses. Si l’assurance complémentaire générale couvre 75 % du total, nous prenons en charge 7500 francs suisses. Si, en même temps, il existe une assurance complémentaire pour les soins dentaires qui prend en charge 50 % du montant total, mais maximum 2000 francs suisses, alors, dans cet exemple, Concordia prendrait en charge en tout 9500 francs suisses sur les 10 000 francs suisses. »

Les appareils dentaires sont très vite très chers. Les assurances peuvent y remédier.
Les appareils dentaires sont très vite très chers. Les assurances peuvent y remédier.
Source : Shutterstock / All backgrounds for you

Parole d’expert en assurance : « Nous ne prenons pas en charge les traitements esthétiques »

Mais jusqu’à quand est-il recommandé de souscrire ces assurances complémentaires ? « Dans le cas de l’assurance complémentaire générale, il faut toujours la conclure avant d’être au courant d’un éventuel problème », explique Pascal Fries. En d’autres termes, il faut conclure l’assurance complémentaire avant que les enfants rentrent de l’école avec un mot du dentiste après sa visite scolaire. « Dans l’assurance complémentaire pour les soins dentaires, les enfants sont pris en charge sans examen de santé jusqu’à la cinquième année. » À partir de 6 ans, il est possible de conclure une telle assurance, à moins que des problèmes concrets ne se manifestent déjà.

L’assurance maladie prend-elle en charge uniquement les coûts pour les interventions médicales ou entre-elle aussi en matière pour les corrections et les interventions pour des raisons principalement esthétiques ? Selon Pascal Fries, dans de nombreux cas, il est difficile de trancher clairement. « En règle générale nous faisons confiance aux dentistes lorsqu’elles ou ils conseillent le port d’un appareil dentaire. » En revanche, l’assurance ne prend pas en charge les traitements purement esthétiques, comme le blanchiment des dents ou la pose d’un diamant sur une dent.

« En fin de compte, comme pour toutes les assurances, c’est aux parents de peser le pour et le contre et de décider quel risque financier ils peuvent ou veulent prendre », explique Pascal Fries. Le fait est qu’en l’absence d’assurance, la facture d’un appareil dentaire peut peser lourd sur le budget familial.

Au besoin, nous obligerons nos enfants à porter un appareil dentaire

C’est précisément pour cette raison (et parce qu’on nous a bien conseillés) que nous avons souscrit assez tôt les assurances correspondantes pour nos enfants. Dans tous les cas, pour éviter d’avoir payé les primes d’assurance pendant toutes ces années pour rien du tout, nous imposerons un appareil dentaire à notre progéniture même si elle n’en a pas besoin. Et d’ailleurs, nous ne voulons pas être responsables si nos enfants ne peuvent pas devenir des influenceurs à succès simplement parce qu’ils n’ont pas la dentition de l’ancien gardien de l’équipe nationale Yann Sommer.

Photo d’en-tête : Shutterstock / Arina P Habich

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