Augmenter la durée de vie de vos vêtements outdoor : les conseils d’une experte textile
Depuis tout le temps, les vêtements outdoor font partie de la vie de la couturière et designer de mode Barbara Heinze. Passionnée de sports de montagne, elle connaît l’importance des vêtements de qualité. Voici comment prendre soin de vos habits d’extérieur pour qu’ils tiennent plus longtemps.
Barbara Heinze est une passionnée de sports de plein air. Depuis sa tendre enfance, elle grimpe, fait des randonnées en montagne et du vélo, et pratique le ski de randonnée. Barbara adore la nature, mais sait aussi que les vêtements spécialisés ont un impact sur l’environnement. C’est pourquoi, elle recherche constamment des solutions pour rendre les vêtements de sport plus respectueux de l’environnement.
Cette couturière qualifiée a étudié à la Haute école de design de mode à Munich et sa carrière dans le secteur du textile outdoor a enrichi son savoir. Son diplôme en poche, elle a travaillé pour de grandes marques telles que Patagonia, Benetton, W. L. Gore & Associates, Ortovox, Mountain Equipment, Salewa ou encore Schöffel.
En 2008, Barbara Heinze a fondé sa propre entreprise. Depuis, elle conçoit et réalise des vêtements résistants, individuels et écoresponsables dans son atelier à Munich. Elle a par ailleurs développé sa propre ligne de vêtements outdoor écoresponsables pour enfants. Pour ses créations, Barbara mise sur la laine de mérinos, le lin, le chanvre, le coton bio et, lorsque le matériau doit être imperméable et respirant, Sympatex, une membrane protectrice contre les intempéries certifiée Blue Sign, ou Etaproof, un coton tissé très serré à fibres allongées. De plus, cette experte textile répare des vêtements outdoor de marque.
Chez Patagonia, Barbara représentait dès le début une des personnes clés de l’initiative de réparation « Worn Wear » pour l’Europe. En plus du travail de conception, elle s’est trouvée dans le camion de réparation lors de plusieurs salons outdoor et plus tard dans la « Tiny House » de Patagonia à raccommoder des vêtements outdoor pour prolonger la durée de vie de vestes, pantalons ou encore sac à dos abîmés. En effet, utiliser des tissus durables constitue un des aspects qui rendent les vêtements outdoor plus écoresponsables. Prolonger la durée de vie des vêtements en est un autre.
On reproche souvent aux vêtements outdoor techniques de ne pas être très écologiques. Quelles solutions ont les sportifs outdoor pour être plus écoresponsables ?
Barbara Heinze : En premier lieu, il faut choisir des vêtements de qualité durable et supérieure ainsi que facilement réparables. Prendre soin de ses vêtements est aussi important afin de pouvoir les garder le plus longtemps possible. Le sel et la graisse contenus dans notre transpiration sont agressifs et endommagent le plastique des couches extérieures, mais en particulier l’adhésif polyuréthane dans les stratifiés multicouches et les bandes sur les coutures. La membrane devient également cassante. Les particules de plastique coulent ensuite comme de la neige qui fond. Il s’agit d’une véritable pollution pour les eaux. Pour cette raison, il est essentiel de laver régulièrement ses vêtements outdoor.
Que signifie « régulièrement » ici ?
Ça dépend toujours de la fréquence à laquelle la veste est portée. Si tu la portes par exemple pour des randonnées à ski et que tu transpires beaucoup, tu devras la laver plus souvent. Je dis à ma clientèle qu’il est grand temps de laver les vêtements lorsqu’il y a des traces sur le col et aux extrémités des manches. Le mieux est d’utiliser de la lessive bio biodégradable. Non pas pour des raisons d’hygiène, mais pour prolonger la durée de vie du vêtement. D’ailleurs, cela vaut non seulement pour les vestes imperméables avec membrane, mais également pour les doudounes. Si on les lave trop rarement, le tissu finit par avoir de petits trous et les plumes sortent. En revanche, si on en prend bien soin, les doudounes ont une longue durée de vie.
Je pense que pour beaucoup, c’est nouveau ce que tu dis. On a l’impression qu’il ne faut pas laver trop souvent les vestes pour ne pas les user.
Pour les eaux, c’est très mauvais lorsque les petites parties traitées chimiquement se détachent car la veste est devenue cassante. C’est ce qui arrive quand on lave les vestes trop rarement. La crainte est qu’à force de les laver, les vestes perdent leur imperméabilité, c’est-à-dire que l’imprégnation DWR disparaisse. C’est en partie vrai, mais on peut facilement y remédier en utilisant des produits sans PFC qui ne contiennent pas de produits chimiques perfluorés et polyfluorés nocifs.
Que puis-je faire si du microplastique s’échappe de ma veste ?
Plus rien. Tu ne devrais plus la porter, même pour promener ton chien. De nombreuses personnes portent leurs vestes stratifiées, c’est-à-dire des vestes imperméables et respirantes avec membrane, trop longtemps sans les laver. Lorsqu’elles me les apportent, je leur dis qu’il faut tout de suite les jeter, car sinon il s’agit d’une véritable pollution pour l’environnement. Autrement, je m’efforce bien entendu de tout réparer. Et si un vêtement bien entretenu et sans risque ne peut plus être sauvé, je le transforme en petits objets tels que des sacs ou des porte-monnaies.
Qu’est-ce qui est nécessaire pour pouvoir bien raccommoder les vêtements ?
Il est utile d’être couturière professionnelle et donc de posséder plus de connaissances de base que les couturières de loisir. Il s’agit aussi de comprendre comment un vêtement est conçu et comment, par exemple, je peux appréhender au mieux une déchirure dans une capuche. J’apprends constamment de nouvelles choses, car les vêtements outdoor ont beaucoup changé au cours de ces dix dernières années. J’ai du plaisir lorsque je peux rendre un vêtement bien réparé à un client et qu’il peut ensuite l’utiliser de nouveau. Cela ne signifie pas que les couturiers de loisir n’en sont pas capables, mais c’est peut-être un peu plus pénible pour eux, et certains matériaux ne sont pas ou seulement difficilement disponibles dans le commerce. Coudre est dans tous les cas mieux qu’essayer de recoller avec des colles liquides. En effet, ensuite même une réparation professionnelle est rarement possible.
Que conseillerais-tu aux personnes qui souhaitent réparer leurs vêtements outdoor tout seuls avec leur machine à coudre ?
De simples réparations peuvent presque toutes être faites sur une machine à coudre normale. Il s’agit plutôt d’une question de courage pour travailler sur des matériaux inhabituels. C’est pourquoi il est utile de s’intéresser de près aux tissus. Je ne rejette pas cette manière de faire, au contraire, je trouve génial lorsque les personnes prennent elles-mêmes les choses en main. C’est tout simplement différent d’une réparation professionnelle, tout comme il est différent d’utiliser des équipements professionnels ou achetés en supermarché.
Qu’est-ce qui t’a motivée de chercher des solutions de remplacement écoresponsables pour les vêtements outdoor ?
Au fil de mon travail dans le secteur textile et outdoor, je me suis rendu compte de l’influence négative de la production de vêtements sur notre environnement. Cela s’étend des pesticides lors de la plantation de coton jusqu’à l’utilisation de produits chimiques pour la préparation de teinte, la teinture et le fini en passant par la consommation d’eau. S’ajoutent encore les conditions de travail en partie catastrophiques dans les usines et les possibilités de recyclage manquantes des vêtements techniques. Cela est aussi dû aux produits chimiques utilisés pour rendre les vêtements hydrofuges et oléofuges. C’est cela qui m’a poussé à repenser les choses et je me suis demandé ce que je pouvais bien faire. J’ai trouvé de vraies solutions dans les matières premières naturelles, biologiques et renouvelables et dans les fibres synthétiques certifiées Blue Sign. Pour moi, il est essentiel aussi de prolonger le cycle de vie des vêtements et de réparer ce qui peut l’être.
Dans le secteur outdoor, la durabilité est devenue un sujet de prédilection. De nombreux fabricants proposent des t-shirts fonctionnels ou des sacs à dos fabriqués à partir de bouteilles en PET recyclées. Qu’en penses-tu ?
Je ne pense pas que cela ait beaucoup de sens, car le plastique est pris d’un cycle dont le but est de fabriquer de nouveau des bouteilles en PET recyclables. Les petites particules de vêtements en polyester, qui se dissolvent lors du lavage, peuvent finir comme microplastique dans les eaux. Par ailleurs, il n’existe encore aucune solution de recyclage raisonnable pour les vêtements, car il est trop fastidieux d’en séparer les composants. On y travaille, mais on n’y est pas encore. Les vêtements fabriqués à partir de bouteilles de PET recyclées représentent donc un cul-de-sac.
Et n’oublions pas l’autre sujet, à savoir les produits chimiques.
Oui, c’est très problématique. Pour les membranes des vêtements imperméables et respirants, on utilise souvent des PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées). Ces produits chimiques, appelés « polluants éternels », car ils polluent l’environnement de manière permanente, sont extrêmement nocifs. Je n’utilise pas du tout ces substances.
Qu’utilises-tu à leur place ?
Pour les membranes, Sympatex est une bonne solution, car ce matériau ne contient pas de PFAS tout en étant imperméable et respirant. Autrement, en fonction du domaine d’application du vêtement, j’utilise du coton bio, par exemple Etaproof de Suisse, de la laine, du loden, de la polaire recyclée ou du taffetas et du chanvre. Le chanvre est intéressant dans la mesure où il s’agit d’une fibre creuse qui peut absorber beaucoup d’humidité sans que par exemple les sous-vêtements soient mouillés et froids lors de randonnées à ski. Par ailleurs, le chanvre est très résistant.
À quoi fais-tu encore attention lors de la fabrication d’un vêtement ?
Je fais du sur-mesure pour que le vêtement soit ajusté et qu’il offre suffisamment de liberté de mouvement, qu’il s’agisse d’une veste, d’un pantalon ou d’un t-shirt fonctionnel. Je peux aussi prendre en compte les souhaits des clients pour une capuche, une poche supplémentaire ou une longueur des jambes précise. Lorsque le vêtement est bien ajusté, il tient aussi agréablement chaud. Un vêtement fabriqué en fibres naturelles et qui est bien soigné possède une plus longue durée de vie que les vêtements outdoor conventionnels. Et ça le rend en outre écoresponsable.
Merci beaucoup Barbara pour cette discussion intéressante et l’aperçu dans le monde des vêtements outdoor.
Plongeuse scientifique, instructrice de SUP, guide de montagne... même si les lacs, les rivières et les mers sont mes terrains de jeu favoris, je ne me laisse pas porter par le courant, car j'ai encore beaucoup à apprendre et à découvrir. J'aime aussi prendre de la hauteur et changer de perspective en volant avec des drones et en faisant du trail.