
Ça tourne sous l’océan : Nuno Sá nous raconte ses aventures sous-marines pour Netflix et Disney
De nombreux cinéastes rêvent de travailler au moins une fois dans leur vie pour la BBC, Netflix, National Geographic ou Disney. Nuno Sá a réussi en très peu de temps à filmer pour tous ces grands noms. Découvrez comment il en est arrivé là et ce qui le fascine dans son travail de cinéaste sous-marin.
Si vous appréciez le monde sous-marin, il y a de bonnes chances pour que vous connaissiez le travail de Nuno Sá, même si le nom de ce cinéaste portugais ne vous dit rien de prime abord. Il a notamment travaillé sur l’emblématique série Blue Planet 2 de la BBC, sur la série Netflix Our Oceans, racontée par Barack Obama, et sur la série Disney Ocean Explorers, produite par James Cameron.
Il a également été finaliste pour un Dive Award au salon international des sports nautiques « Boot » de Düsseldorf. Dans cet entretien, il nous raconte ce qui le motive et livre ses conseils pour celles et ceux qui voudraient se lancer dans ce métier.
Votre profession fait rêver beaucoup de gens. Comment avez-vous commencé ?
Nuno Sá : Lorsque j’étais étudiant en droit, j’ai suivi un cours de plongée aux Açores pendant ma deuxième année d’études. J’ai tout de suite adoré. J’ai décidé de continuer mes études de droit, mais j’ai compris à ce moment que je voulais consacrer ma vie à la mer.
Comment avez-vous fait de ce souhait une réalité ?
J’ai commencé par me rendre dans tous les sites de plongée connus dans le monde, en Égypte, en Australie... Mais c’est aux Açores, là où tout a commencé, que je me suis le plus plu. Je me suis donc installé sur l’île de São Miguel et j’ai eu la chance de pouvoir travailler tout de suite dans un magasin de plongée et pour des excursions d’observation des baleines. En parallèle, j’ai commencé à étudier la biologie marine.

Source : Arlindo Carmacho
Et c’est là que l’appareil photo est entré en jeu.
C’est ça. J’ai commencé par prendre des photos pour montrer à mes amis et ma famille à quel point le monde sous-marin est grandiose. Puis j’ai continué à travailler sur mes compétences de photographe. La mer me fascinait, il y a tellement de choses à voir dans l’Atlantique autour des Açores. Baleines, requins, dauphins, pieuvres... Je découvrais sans cesse de nouvelles choses. J’ai même vu des requins-baleines, dont on ne connaissait pas l’existence dans cette région auparavant. Je parle souvent avec les pêcheurs, ils sont experts en la matière.
Vous avez rapidement remporté un prix très convoité. Comment est-ce arrivé ?
En 2008, j’ai reçu une mention honorable lors du concours « Wildlife Photographer of the Year » dans la catégorie mammifères. C’était ma première participation à un tel concours.

Source : Nuno Sá
Mais ce n’était pas la dernière. Vous avez depuis reçu de nombreuses récompenses, notamment celle du « Underwater Photographer of the Year » en 2015, puis un autre prix important en 2024.
Oui, il s’agissait du Marine Conservation Photographer of the Year Award de la fondation Save Our Seas. Ils ont récompensé ma photo aérienne d’une baleine échouée que des hommes et femmes tentent de repousser dans la mer. Le cachalot femelle avait été percuté par un navire. Chaque année, plus de 20 000 baleines meurent suite à des collisions avec des véhicules aquatiques. En tant que caméraman sous-marin, je vois de plus en plus l’influence que nous, humains, avons sur la santé des océans. J’ai eu le privilège de pouvoir plonger dans toutes les régions, du pôle Nord au pôle Sud. Mais cette photo, je l’ai prise tout près de chez moi, sur une plage près de Lisbonne. Cela m’a inspiré des sentiments très mitigés. D’un côté, ce cachalot blessé montre à quel point nous faisons du mal aux mers et à leurs êtres vivants à cause du trafic maritime, du bruit sous-marin, de la surpêche, de la pollution plastique et chimique. Mais d’un autre côté, l’image transmet un message positif : si nous travaillons ensemble, nous pouvons améliorer les choses. Même si la baleine n’a pas survécu, je pense que celles et ceux qui ont participé à cette tentative de sauvetage s’engageront d’une manière ou d’une autre pour la protection des mammifères marins.

Source : Nuno Sá
À titre professionnel, vous vous concentrez surtout sur les films sous-marins. Comment avez-vous fait pour vous spécialiser là-dedans ?
J’ai commencé par prendre des photos de requins-baleines aux Açores, puis j’ai écrit un article pour National Geographic Portugal. C’est ainsi que j’ai gagné mon premier cachet avec l’appareil photo. Je me suis alors dit qu’il était peut-être possible d’en vivre. J’ai donc tenté ma chance et demandé conseil à un grand caméraman sous-marin canadien sur comment en faire mon métier.
Quel a été son conseil ?
Il m’a dit de continuer à faire ce que je faisais. « Pas besoin de faire le tour du monde. Reste aux Açores, il y a encore tant d’histoires à raconter ». C’est exactement ce que j’ai fait, et ça a marché.

Source : Nuno Sá
Très bien marché, même.
Oui, on m’a ensuite demandé de travailler pour Blue Planet 2 de la BBC. C’était ma toute première commande de film. Ensuite, j’ai travaillé sur le documentaire Europe’s Wild Islands de la National Geographic Wild Channel, puis sur d’autres documentaires comme Animal with cameras de la BBC ou Islands of the Atlantic de la chaîne japonaise NHK. J’ai également travaillé pour les chaînes Arte, ORF et ZDF.
Vous avez plongé dans le monde entier. Quel est votre meilleur souvenir ?
C’était lors du tournage de la série Ocean Explorers pour Disney. Caméramans et biologistes, nous avons embarqué dans un sous-marin pour descendre dans les profondeurs. Une fois passée la barre des 1000 mètres, le capitaine nous a dit d’éteindre tous les appareils. Plus de caméras, plus d’écrans, rien. Il nous a ensuite demandé de fermer les yeux, puis il a éclairé les profondeurs trois fois avec les phares du sous-marin. Une fois l’obscurité totale revenue, nous avons ouvert les yeux et nous nous sommes retrouvés entourés de millions de créatures marines lumineuses grâce à la bioluminescence. Certaines avaient même l’air de venir d’une autre planète. Derrière elles, l’espace semblait infini. C’était un moment unique et d’une beauté incroyable.

Source : Nuno Sá
Lorsque vous prenez des photos de requins, vous vous approchez très près. Vous êtes-vous déjà retrouvé dans des situations dangereuses ?
Pas avec des requins. Mais une fois, j’ai filmé des thons rouges géants en train de chasser pour la série Netflix Our Oceans. Ils peuvent mesurer jusqu’à 4 m et peser jusqu’à 700 kg. Tout à coup, je me suis retrouvé au milieu d’un banc en chasse, je ne voyais plus rien. Il était si dense que je suis resté coincé pendant un bon moment. Chaque brèche qui s’ouvrait se refermait aussitôt. Ces poissons peuvent nager jusqu’à 100 km/h et sont très puissants. Si l’un d’eux avait décidé de nager vers moi, les conséquences auraient pu être dramatiques. Heureusement, je m’en suis sorti indemne.

Source : Nuno Sá
Les expéditions cinématographiques vous font passer des baies glacées aux eaux tropicales. Quel est votre équipement ?
Je dois avoir une bonne vingtaine de combinaisons de plongée pour être prêt à toute situation. J’ai aussi des outils très spécialisés, comme des palmes d’apnée en carbone, ainsi que plusieurs recycleurs, des appareils respiratoires qui coûtent entre 13 000 et 15 000 euros pièce. Je les alterne en fonction des missions.
Et vos appareils photo ?
Mon premier appareil photo avec boîtier sous-marin professionnel était un Red, il m’a coûté un peu moins de 80 000 euros. Mais aujourd’hui, on trouve à peu près la même chose pour un dixième du prix, voire moins. Un Sony Alpha 7s iii ou un appareil similaire fait déjà ce que seul un appareil bien plus cher était capable de faire il y a 15 ans.
Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui rêvent de réussir dans la photographie sous-marine ?
Investissez dans un petit système et filmez les endroits que vous connaissez le mieux. Cela peut être un lac près de chez vous ou un bout de côte. Pas besoin d’aller aux Maldives ou aux Galapagos. Racontez vos histoires avec vos propres images et montrez ce qui rend votre environnement unique. C’est ça, la clé du succès.
Quels sont vos prochains projets ?
Cet été, je travaillerai aux Açores sur une production IMAX internationale et je produirai également un documentaire pour la télévision portugaise sur la vie marine au Portugal, depuis le littoral jusqu’à Madère en passant par les Açores. Ce sera une sorte de Blue Planet version Portugal.
Merci beaucoup, Nuno, pour tous vos conseils et pour nous avoir expliqué votre travail.
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Plongeuse scientifique, instructrice de SUP, guide de montagne... même si les lacs, les rivières et les mers sont mes terrains de jeu favoris, je ne me laisse pas porter par le courant, car j'ai encore beaucoup à apprendre et à découvrir. J'aime aussi prendre de la hauteur et changer de perspective en volant avec des drones et en faisant du trail.