Entretien avec une experte Fisher-Price : « Les parents doivent aussi pouvoir s'amuser avec les jouets de leurs enfants »
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Entretien avec une experte Fisher-Price : « Les parents doivent aussi pouvoir s'amuser avec les jouets de leurs enfants »

Katja Fischer
16/12/2021

Comment trouver le bon jouet ? Le puzzle en bois est-il meilleur que le cube électrique qui clignote ? Jusqu'à quel niveau de technologie aller ? Fraîchement arrivée dans l'équipe d'experts Fisher-Price, la psychologue du développement Lieselotte Ahnert nous répond.

Quand on cherche à offrir un jouet à un jeune enfant, on a plus que l'embarras du choix. Grands, petits, colorés, bruyants, clignotants, en bois ou en plastique : difficile de s'y retrouver. Et finalement, qu'est-ce qui compte ? La psychologue allemande Liselotte Ahnert s'occupe depuis des années du développement des enfants et fait depuis peu partie de l'équipe d'experts du fabricant de jouets Fisher-Price. Dans cet entretien, la septuagénaire explique ce qui est important en termes de jouets, et pourquoi les jouets électroniques ne sont pas si mauvais que ça.

Professeure Ahnert, vous êtes la nouvelle « experte Fisher-Price », ça semble très amusant. Jouer fait-il partie de votre travail ?
Lieselotte Ahnert : en tant que psychologue du développement, j'ai étudié pendant de nombreuses années les conditions de développement dans l'enfance et j'ai effectivement beaucoup joué avec les enfants. Lorsque ces derniers sont encore très jeunes et que leurs compétences linguistiques sont rudimentaires, c'est surtout le jeu qui permet d'avoir un aperçu de leur monde intérieur. Le jeu offre en outre d'excellentes possibilités de transmettre des connaissances à l'enfant, de stimuler son langage et de favoriser un développement moteur et émotionnel précoce.

Comment apportez-vous concrètement vos connaissances chez Fisher-Price ?
Je fais partie de l'équipe d'experts. Cela signifie que j'explique le développement des jeunes enfants, leur rapport aux objets, leur interaction avec les jouets. Je réponds à des questions comme, à quoi pense l'enfant, comment peut-on stimuler son développement de manière intelligente, qu'est-ce qui est nocif ? Toutes ces connaissances sont le fruit de mes années de recherche.

Face à la densité de l'offre actuelle, chercher un jouet peut devenir un véritable parcours du combattant. Comment les parents peuvent-ils trouver ce qui convient à leur enfant dans cette profusion ?
Les indications d'âge permettent d'aider. Les enfants se développent très rapidement durant leurs premières années de vie. On peut noter des différences flagrantes entre des enfants de 1 an et des enfants de 2 ou 3 ans. Chaque étape du développement de l'enfant a des particularités très différentes qui dépendent de l'âge.

Des jouets à profusion : parents et enfants ne savent parfois plus où donner de la tête dans les magasins.
Des jouets à profusion : parents et enfants ne savent parfois plus où donner de la tête dans les magasins.
Source : Shutterstock

Mais tous les enfants du même âge ne sont pas au même niveau.
Oui, ces particularités peuvent varier fortement d'un enfant à l'autre dans le même groupe d'âge, c'est pourquoi la recherche récente sur le développement fait également appel à des facteurs de génétique comportementale. Si un enfant est sensible aux stimuli musicaux, un autre peut plus s'intéresser aux processus techniques comme les constructions ou aux activités de soin comme jouer avec des poupées. Les parents connaissent ces préférences et devraient s'y référer pour choisir leurs jouets.

Est-ce une bonne idée de faire abstraction des préférences individuelles pour offrir à l'enfant de nouvelles possibilités de jeu ?
Personnellement, je pense que vouloir essayer un tout nouveau jouet, par exemple en achetant une poupée pour un enfant technophile ou un camion de pompiers pour un enfant attentionné, n'est pas une très bonne idée. Très tôt, les enfants déterminent de manière autonome leurs domaines d'activité et d'intérêt en fonction de leurs besoins de développement. Ils finiront donc par ignorer les jeux qui ne leur correspondent pas.

Selon vous, qu'est-ce qu'un « bon » jouet ?
Un jouet qui parle au domaine d'intérêt de l'enfant. Il doit également être conçu pour la tranche d'âge concernée, afin que l'enfant puisse mettre en œuvre les compétences correspondantes. Enfin, le jouet doit être adapté au niveau de développement de l'enfant et ne pas trop lui en demander.

Mais il doit tout de même le stimuler ?
Oui, un bon jouet doit aussi avoir le potentiel de faire passer l'enfant à la phase suivante de son développement. En d'autres termes, l'enfant devrait être encouragé à essayer quelque chose de nouveau. Les parents peuvent mettre en évidence ces possibilités de manière simple en jouant avec l'enfant.

Des exemples ?
Ils peuvent guider l'enfant de manière ciblée pour lui faire utiliser le jouet autrement. Ou bien l'amener eux-mêmes sur une autre voie en posant des questions et en maintenant son intérêt par des félicitations et des encouragements. Ils peuvent aussi le laisser jouer seul tout en lui disant de temps en temps qu'il utilise bien ses compétences et qu'il les développe. En psychologie du développement, on parle de coaching, de guidage, de renforcement et de feed-back.

La psychologue allemande Liselotte Ahnert s'occupe depuis des années du développement des enfants et fait partie de l'équipe d'experts de Fisher-Price.
La psychologue allemande Liselotte Ahnert s'occupe depuis des années du développement des enfants et fait partie de l'équipe d'experts de Fisher-Price.
Source : Christian Thiel

Comment les jouets ont-ils évolué au cours des dernières années par rapport aux connaissances de la psychologie du développement ?
Au départ, les jouets avaient pour objectif d'accaparer toute l'attention d'un enfant, tout en stimulant et en élargissant ses activités. Ils devaient être de couleur attrayante et permettre une variété d'actions possibles, y compris l'imitation des activités de la vie quotidienne. La recherche moderne en psychologie du développement a toutefois montré que les enfants veulent jouer avec les autres dès la fin de leur première année. C'est pourquoi les jouets qui permettent de multiples interactions et avec lesquels les parents peuvent également s'amuser sont devenus de plus en plus importants.

Et qu'est-ce que les parents aiment ?
Ils aiment être surpris, s'amuser avec des jouets innovants et créatifs qui n'existaient pas quand ils étaient petits.

On entend souvent que « autrefois les jouets étaient de meilleure qualité et souvent fabriqués en bois ». Est-ce vrai ?
Oui et non. Les jouets en bois sont considérés comme robustes, non polluants et durables. Grâce à leurs excellentes propriétés matérielles, ils ont su faire leurs preuves au long terme.

Qu'est-ce qu'il manque aux jouets en bois ?
Un enfant devrait pouvoir faire de multiples expériences visuelles, tactiles et sonores dès les premiers mois de sa vie. Pour de telles expériences, il est indispensable de disposer d'une offre de jouets variée, utilisant non seulement le bois, mais aussi des matériaux tels que le tissu, le métal léger et le plastique. Ils doivent naturellement être sûrs et garantis sans substances nocives.

Les enfants grandissent aujourd'hui dans un monde numérisé, et les jouets suivent le mouvement en parallèle avec les jouets éducatifs électroniques. Est-ce dangereux ?
La psychologie du développement moderne a prouvé à plusieurs reprises que les bébés sont déjà capables de distinguer l'environnement animé de l'environnement inanimé. Ils semblent donc savoir que l'environnement animé se caractérise par une activité propre et une action intentionnelle, alors que l'environnement inanimé est inactif et doit être « mis en mouvement ». En ce sens, un jouet qui ne fait rien tant qu'on n'a pas appuyé sur un bouton est une chose très intéressante qui vient confirmer cette distinction. Pouvoir utiliser ces jouets pour se familiariser avec les processus techniques les plus divers de notre monde moderne sera absolument bénéfique pour le développement de l'enfant au long terme.

Quand faut-il dire stop à l'électronique ?
On peut se demander quel savoir un enfant acquiert s'il ne fait que répéter les mêmes actions techniques. Par exemple lorsqu'il ne fait pour ainsi dire qu'appuyer inutilement sur des boutons et des tablettes, sans effectuer d'action logique comme combiner ou ajouter quelque chose. L'utilisation de la technologie par un enfant ne doit pas se résumer à cela.

Y a-t-il des jouets classiques qui n'ont pratiquement pas changé depuis des années ?
Oui, quelques-uns. Friedrich Fröbel (1782-1852) et Maria Montessori (1870-1952) ont été les premiers à reconnaître que le jeu chez l'enfant peut soutenir le développement, stimuler sa curiosité et sa pensée, favoriser les compétences croissantes et faire avancer l'apprentissage. Ils sont considérés comme les précurseurs de la pédagogie de la petite enfance. Leur matériel de jeu, composé de blocs de construction, de puzzles, de jeux de tri et d'assemblage et de bien d'autres choses encore, et également proposé sous forme de jouets de bricolage et de construction, est devenu incontournable dans la fabrication des jouets d'aujourd'hui.

Lieselotte Ahnert est professeure de psychologie du développement au département des sciences appliquées du développement de l'Université libre de Berlin et experte chez Fisher-Price. Ses recherches comprennent de vastes études portant sur les conditions de développement des enfants. Pour en savoir plus, vous pouvez lire son livre « Wieviel Mutter braucht ein Kind? » (paru en 2020 aux éditions Beltz ; disponible notamment ici chez Exlibris).

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Maman d'Anna et d'Elsa, experte en apéritifs, passionnée de fitness en groupe, aspirante ballerine et amatrice de potins. Souvent multitâche de haut niveau et désireuse de tout avoir, parfois chef en chocolat et héroïne de canapé.


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