Gender reveal party : quand l'annonce du sexe de bébé se transforme en spectacle
Cette coutume venue des États-Unis est arrivée en Suisse, et même dans mon village. J'ai voulu en savoir plus sur cette fête plutôt hors du commun et j'ai appris des choses absurdes, voire drôles.
La baby shower, c'était hier. Les fêtes en l'honneur des enfants à naître ont atteint un nouveau niveau : elles s'appellent désormais gender reveal parties et servent à révéler le sexe du bébé.
Pardon ? Vous pensez peut-être avoir mal lu ce que j'ai écrit.
Si vous n'avez jamais entendu parler de cette fête à la mode : les futurs parents organisent une fête pour annoncer le sexe de leur enfant. Telle est la définition. Mais parce que « Hé, nous allons avoir une fille » n'est pas assez spectaculaire, les futurs pères et mères organisent toute une mise en scène pour annoncer le sexe de leur bébé. Ils découpent un gâteau très élaboré, fourré de rose ou de bleu, font éclater des ballons de confettis de la couleur du sexe du bébé ou tirent des canons à poudre en l'air ; toujours accompagnés de vives acclamations et de tonnerres d'applaudissements.
Ce qui est célébré à grande échelle depuis des années aux États-Unis est désormais pratiqué par un nombre croissant de futurs parents dans notre pays. La tendance me paraissait très lointaine. Du moins, jusqu'à maintenant.
Le bistrot du village rencontre le kitsch américain
La gender reveal party est maintenant arrivée dans mon petit univers. Dans une story Instagram du restaurant du village, j'ai récemment découvert un repost d'un tel événement, qui s'est apparemment déroulé dans la salle rustique. On peut y voir le chic d'un bistrot de village mélangé au kitsch américain.
Autrement dit : d'innombrables ballons aux couleurs pastel placés dans une ambiance de bistrot campagnard. Des ballons dans la main d'un ours en peluche XL, lui-même accroupi sous une immense arche de ballons. Des ballons dans des boîtes à lettres formant le mot « BABY ». Et au milieu de tout cela, un ballon noir surdimensionné qui sort du lot, qui affiche la question qui fait toute la différence : « Boy or Girl ? ».
Le compte Instagram n'a pas encore dévoilé la réponse. Peut-être qu'une vidéo du ballon qui explose suivra bientôt ? Je me suis surprise à développer soudain une curiosité insondable pour le sexe de ce bébé que je ne connais même pas et à faire des recherches sur les gender reveal parties. Pourquoi, comment et faut-il vraiment organiser une telle fête ? Le phénomène me fascinait et m'irritait à la fois.
Lors de mes grossesses, je n'ai même pas fait de baby shower. Et maintenant, j'ai plongé dans le monde rose et bleu clair des gender reveals. J'ai découvert des choses étonnantes, drôles et parfois même bizarres au sujet de ces fameuses fêtes organisées en l'honneur du bébé à naître. Voici mes dix principales découvertes.
1. Un secret bien gardé
Le clou de la gender reveal party : souvent, même les parents ne savent pas avant la fête s'il s'agira d'un garçon ou d'une fille. La surprise doit aussi, ou plutôt surtout, rester de taille pour les futurs parents. Cela n'est possible que grâce à une organisation sophistiquée et à une confidentialité absolue. La plupart du temps, un·e ami·e est impliqué·e dans l'organisation de la fête. Ou une pâtisserie de confiance, responsable de la garniture rose ou bleue du gâteau.
Je suis sceptique. Est-ce réellement possible de garder un tel secret ? Oui, m'assure l'influenceuse zurichoise et ex-candidate de GNTM Sara Leutenegger. Dans son cas, c'est le parrain de son futur enfant qui a organisé la fête et qui a été secrètement informé à l'avance par le gynécologue. « Le médecin lui a envoyé une lettre », me raconte la jeune femme de 28 ans. « Il a ensuite sagement gardé le secret pour lui jusqu'à la fin. »
Des ballons bleus s'envolant d'une boîte l'ont ensuite solennellement dévoilé en juin 2020. Un moment important pour Sara Leutenegger ; mais pourquoi ? Plus que le sexe du bébé, il s'agissait de « célébrer le fait que mon mari et moi allions devenir parents », dit-elle.
2. Les célébrités donnent le la
J'ai vite compris que la gender reveal party allait de pair avec les médias sociaux. Les influenceur·euses comme Sara Leutenegger font participer leur communauté à leur fête et la célèbrent publiquement sur Instagram, Youtube et autres. Ce sont de grands noms internationaux qui ont montré l'exemple et déclenché ainsi un engouement mondial.
Le footballeur anglais Harry Kane, par exemple, a donné un coup de pied dans un ballon rempli de poudre bleue en juillet 2020 et a ensuite fait savoir au monde entier que lui et sa femme attendaient un garçon en postant une vidéo sur ses canaux de médias sociaux.
L'actrice Kate Hudson a également eu droit à des ballons, remplis de confettis roses.
3. La gender reveal party la plus chère du monde
Le « but contre son camp » de Harry Kane et la garden party de Kate Hudson étaient toutefois extrêmement modestes en comparaison avec l'annonce du sexe de ce couple d'influenceurs : Anas et Asala Marwah ont illuminé en bleu la plus haute tour de Dubaï, le Burj Khalifa, en septembre 2020, pour près de 100 000 dollars. La critique ne s'est pas fait attendre. D'autant plus que les futurs parents avaient choisi un très mauvais moment pour faire la fête : peu avant, une bombe fumigène allumée lors d'une gender reveal party en Californie avait provoqué un feu de forêt (plus d'informations à ce sujet au point 7).
Dans une vidéo incroyablement longue (15 minutes !), le couple a partagé le grand événement avec ses followers. Elle a été vue plus de 40 millions de fois à ce jour.
Le mieux, c'est d'aller directement au point principal du programme, autrement dit l'annonce du sexe, à partir de la minute 12:16.
4. Les révélations les plus insolites
Avec ou sans millions sur leur compte en banque, l'imagination de futurs parents plutôt ambitieux ne connaît pas de limites. Certes, les ballons, les gâteaux ou les confettis restent les pratiques les plus courantes, mais ne sont plus considérées comme créatives depuis longtemps. En revanche, les méthodes suivantes, qui ont effectivement déjà été testées, le sont :
- de la fumée colorée qui sort du pot d'échappement d'une voiture ou d'une moto
- un canard en plastique qui colore l'eau du bain
- des pailles qui changent de couleur au contact de la boisson
- les spaghettis en spray
- une boule de bowling remplie de poudre qui éclate lors d'un strike
Si vous trouvez que ce n'est pas encore assez original, il y a aussi les deux idées suivantes, qui ont également déjà été mises en pratique :
- illuminer une grande roue en rose ou en bleu
- inciter un crocodile à déchirer un ballon rempli de poudre colorée
5. Une fête de plus en plus critiquée
Paradoxalement, l'engouement pour les gender reveal parties tombe justement à une époque où l'on discute intensément des identités et des stéréotypes de genre ainsi que du sexisme, et où de nombreux parents essaient justement de ne plus faire rentrer leurs enfants dans les cases habituelles des genres. Malgré ou à cause de la popularité croissante des gender reveals, les critiques publiques se multiplient.
La chanteuse et actrice Demi Lovato, par exemple, a condamné cette fête au printemps dernier dans un post Instagram, dans lequel elle a posté un message de l'activiste trans indo-américain Alok Vaid-Menon. Les gender reveal parties seraient transphobes parce qu'elles n'admettent que deux sexes et ignorent donc les identités sexuelles non binaires.
6. Le problème du nom
Il y a non seulement le concept de la fête qui devrait être revu, mais aussi la dénomination en elle-même. Le mot anglais pour « gender » décrit en effet le sexe social d'une personne, le sexe ressenti. « Sex », en revanche, désigne le sexe inné. Il faudrait donc plutôt dire « sex reveal party ». Outre le fait que ce nom pourrait être mal interprété, une nouvelle dénomination aura du mal à s'imposer. Rien que sur Instagram, on trouve 2,5 millions de posts sous #genderreveal.
7. L'inventrice a des regrets
Même l'inventrice des gender reveal parties, la blogueuse américaine Jenna Karvunidis, regrette désormais sa création. En 2008, pendant sa grossesse, elle a organisé une fête pour son premier-né, au cours de laquelle elle a coupé un gâteau fourré de rose, révélant ainsi son sexe aux invités. Elle a alors partagé des photos sur son blog, l'article a été repris par un magazine et est devenu viral.
Onze ans et un battage médiatique mondial plus tard, elle a ensuite soulevé la question dans un message Facebook : « Le sexe d'un enfant n'est-il pas indifférent ? » Pour cela, elle a posté une photo de famille avec son mari et leurs trois filles, deux en petite robe de dentelle, une en costume. « Plot Twist : le bébé de la première gender reveal party porte un costume ! »
Dans une interview pour le Guardian britannique, Jenna Karvunidis a même ajouté qu'elle n'a jamais voulu créer une identité de genre pour son enfant. Elle a simplement un « penchant pour la théâtralité » et aime organiser des fêtes. Une fois, elle a même organisé une fête pour son poisson rouge.
8. Best of fails
Ces personnes ont parfois littéralement eu une peur bleue. Sur le Web, on peut trouver une multitude de vidéos de fêtes ratées. En voici un best of :
9. Des fêtes qui ont mal tourné
Plus colorées, plus grandes, plus spectaculaires : c'est sans doute pour cette raison que les accidents survenant lors de ce genre de fêtes aux États-Unis sont de plus en plus dramatiques. Au printemps 2021, un engin explosif artisanal a explosé dans un garage new-yorkais pendant les préparatifs. Le futur père, âgé de 28 ans, est décédé et son frère a été grièvement blessé. Quelques semaines plus tôt, un jeune homme de 26 ans est mort dans le Michigan après l'explosion d'un petit canon qui aurait dû tirer des confettis de couleur.
Dans le New Hampshire, en avril 2021, des explosifs ont provoqué une détonation si violente qu'elle a déclenché une alerte sismique dans la région. En Californie, un accident de machine à fumée a même provoqué un incendie de brousse à l'automne 2020. Près de 92 000 mètres carrés de terrain ont brûlé et il a fallu plus de deux mois pour éteindre le feu.
10. Le business autour des gender reveal parties
Ce qui n'était au début qu'une petite fête entre amis s'est transformé en une véritable industrie. En ligne, vous trouverez tout ce dont vous avez besoin pour organiser une gender party : des ballons à confettis aux canons « ready to pop », en passant par tous les accessoires de décoration imaginables en rose et en bleu clair.
Les précurseur·euses ont à leur tour fait des affaires. Il·elles font sponsoriser – et donc dorer – l'ensemble de leur événement. En échange d'une mention correspondante et d'un lien dans le contenu, il·elles reçoivent tout, de la planification à la décoration, en passant par les fleurs, les gâteaux et les cadeaux pour les invité·es.
Bilan : trop de gâteaux et de confettis
Mon bistrot de village n'a d'ailleurs jamais révélé le sexe du bébé de la gender reveal party. Et non, je ne me suis pas renseigné auprès de l'hôte à ce sujet. En fait, je suis assez satisfaite,
car, je le sais maintenant, ce n'est pas la fête en elle-même qui m'irrite tant. C'est plutôt toute la mise en scène qui l'entoure. Il ne s'agit presque plus que des idées les plus folles et de l'attention maximale grâce aux photos et aux vidéos, avec des conséquences parfois fatales.
Je reste sur ma position. Jamais je n'organiserais une fête de ce genre. Et si c'est le cas, ce sera tout au plus comme la youtubeuse allemande Mirella Precek, qui s'est moquée de sa propre baby shower sur Instagram : sans gâteau, sans confettis et sans photobox.
Maman d'Anna et d'Elsa, experte en apéritifs, passionnée de fitness en groupe, aspirante ballerine et amatrice de potins. Souvent multitâche de haut niveau et désireuse de tout avoir, parfois chef en chocolat et héroïne de canapé.