
En coulisse
"Maman, quand est-ce qu'on va semer les tomates ?"
par Ann-Kathrin Schäfer
Depuis peu, je cultive un carré potager avec mes enfants. Pour m’y aider, j’ai demandé conseil à une experte. Comment garder ses enfants heureux au jardin, savoir quelles graines planter ensemble : elle nous livre ses secrets.
Est-ce que je fais bien de désherber ? Ça prend vraiment autant de temps pour tout le monde ? Et d’ailleurs, quelles graines devrais-je acheter ? Dans cet article où je raconte l’aménagement d’un carré potager avec mes enfants, toutes sortes de questions me sont venues à l’esprit.
En tant que novice, j’ai préféré demander conseil à une experte en jardinage. Kathrin Hälg dirige un jardin d’apprentissage au centre de loisirs Areal Bach de Saint-Gall, une initiative issue du projet « Gartenkind » de Bioterra. Elle a suivi une formation de naturopathe spécialisée dans la phytothérapie.
Maintenant que les beaux jours arrivent, votre jardin d’apprentissage va rouvrir. Comment préparez-vous le potager avec les enfants ?
Kathrin Hälg : Nous commençons par éliminer ce que l’on appelle les adventices (on ne parle pas de mauvaises herbes avec les enfants). On ameublit la terre avec une grande fourche à bêcher, puis on l’affine avec une houe à main. Les enfants sont généralement plus enthousiastes à l’idée de travailler avec de gros outils, bien plus intéressants que des outils pour enfants. Nous aidons ceux qui manquent parfois de force de par leur jeune âge.
Manquent-ils parfois aussi de persévérance ? Les miens en ont vite eu marre de désherber...
Les enfants sont prêts à désherber, même si c’est plutôt 10 minutes qu’une demi-heure. Je désherbe donc une partie de la parcelle à l’avance avec d’autres adultes.
Avez-vous une astuce pour remotiver les enfants à s’intéresser au jardin ?
Je vous conseille de commencer à jardiner vous-même. Parfois, l’envie de participer vient en regardant les autres faire. Pour booster leur enthousiasme, vous pouvez observer les insectes et les examiner à la loupe.
Chez nous, on ne voit pas la fin du désherbage. Faut-il vraiment déraciner toute la verdure avant de semer les graines ? Dans notre parterre, nous avons des pissenlits, des orties, des mûres, de l’herbe...
Au printemps, il faut mieux retirer tout ce qui recouvre le sol, car cela fait concurrence aux légumes. C’est vrai que ça prend beaucoup de temps. Mais il n’est pas nécessaire d’arracher les racines de toutes les adventices. Certaines plantes se décomposent dans le sol lorsqu’on enlève la verdure. Cependant, ce n’est pas le cas de celles que vous avez mentionnées. Les pissenlits, par exemple, prennent beaucoup de place sous la terre. Et pour les mûres, le chiendent, la petite angélique, les laiterons ou encore le liseron des champs, le moindre morceau de racine qui reste en terre repartira. Ces racines ne doivent d’ailleurs pas être mises au compost.
Qu’en est-il après quelques années, lorsque les légumes ont grandi ?
On peut plus facilement laisser les adventices ou n’enlever que les parties vertes et les utiliser comme paillis. Vous pouvez mettre des orties dans l’eau d’arrosage pendant la nuit pour fortifier vos plantes ou préparer votre propre purin pour servir d’engrais. Pour gagner du temps, ne bêchez pas votre sol. L’ameublir suffit. C’est également logique d’un point de vue écologique.
Pourquoi ?
Cela permet de ne pas perturber la structure fragile du sol qui est composé de nombreuses couches contenant des bactéries, des champignons, des vers ou encore des mille-pattes. Ameublir le sol suffit à l’oxygéner.
Une fois le désherbage terminé, comment continuez-vous à cultiver vos légumes dans le jardin d’apprentissage ?
D’abord, on égalise la terre avec un râteau. On forme ensuite des sillons pour les graines de carottes, de betteraves et d’épinards, puis des trous pour les plants comme la salade, le chou-rave et le brocoli. C’est un moment que les enfants apprécient. Pour les graines de courgette et de radis, il suffit de faire des petits trous en enfonçant un doigt dans la terre. On met deux enfants par rangée : l’un fait le trou, le second y met la graine. Ils adorent ! On peut également planter les pommes de terre de manière ludique : on les dépose dans de la mousse et des fleurs, on ajoute de la corne broyée comme engrais, puis on les saupoudre de poudre de roche avec une salière. Cela permet d’éviter l’apparition de maladies fongiques.
En achetant nos graines, j’ai réalisé qu’il y avait un nombre incroyable de fournisseurs. Quels sont vos conseils d’achat ?
Je recommande d’acheter des semences qui ont été multipliées en Suisse. Vous serez ainsi assuré qu’elles sont adaptées à nos conditions climatiques. Il est également important que les semences soient bio et stables afin de pouvoir réutiliser les graines des fruits l’année suivante.
Peut-on faire pousser soi-même des graines de fruits et légumes achetés en magasin ou au marché ?
Les légumes vendus en supermarché sont souvent issus de graines hybrides. Leurs graines sont donc soit stériles ou ont perdu leurs caractéristiques.
Est-ce que c’est aussi valable pour les légumes bio ?
Souvent oui, à l’exception peut-être des semences de légumes de Pro Specie Rara. Mais il y a d’autres choses à prendre en compte : les cucurbitacées, par exemple, sont pollinisées par des insectes, ce qui peut vite entraîner des croisements. Il n’est donc pas certain que la graine donne à nouveau naissance à la même plante. Toutefois, vous pouvez facilement prélever des graines de tomates, de pois et de haricots, à condition qu’elles soient stables. Vous pouvez vous renseigner à ce sujet en achetant vos légumes au marché.
Dans votre jardin d’apprentissage se trouve un parterre rond avec huit « parts de gâteau ». Comment le cultivez-vous ?
Nous plantons toujours la même famille de plantes sur les parties opposées et nous faisons une rotation chaque année. Il ne faut pas mettre la même culture au même endroit chaque année. C’est ce qu’on appelle la rotation des cultures.
Comment fonctionne la rotation des cultures ?
Même si on n’y connaît rien, ne pas planter les mêmes cultures au même endroit chaque année est déjà très bénéfique. À noter d’ailleurs que différentes plantes peuvent appartenir à la même famille, les pois et les haricots par exemple. Dans les livres de jardinage et sur Internet, vous trouverez de nombreuses informations sur les différentes familles de plantes (en allemand).
Faut-il systématiquement recouvrir sa plate-bande d’une couche de compost avant de semer ?
Cela dépend des besoins en nutriments des plantes. Pour les plantes très gourmandes, il est important de fertiliser le sol avec du compost avant le semis. D’autres plantes prélèveront quant à elles moins d’éléments nutritifs dans le sol. Certaines s’encouragent aussi mutuellement dans leur croissance. C’est pourquoi je pratique la culture mixte dans mes parterres.
Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je cultive toujours différentes sortes de légumes par carré potager. Cela permet de garder les plantes en meilleure santé. Je plante également des fleurs comestibles qui attirent les insectes qui viendront polliniser les légumes.
Ça fait beaucoup d’informations...
Si je peux encore donner un conseil : lancez-vous, tentez des choses, et ne vous laissez pas décourager par la rotation des cultures, la culture mixte ou les différents besoins de chaque plante. En faisant, l’expérience viendra naturellement avec les années.
C’est un bon conseil.
C’est aussi plus amusant comme ça. Si on se documente trop avant de commencer, on risque de perdre l’envie avant même de se lancer, et ce serait dommage !
J’ai entendu dire qu’il fallait commencer avec peu de plantes. Nous, on a voulu commencer tout de suite avec 15 plantes différentes. C’est sans doute trop, mais nous sommes d’autant plus euphoriques...
Au contraire, c’est super ! C’est capital de conserver le plaisir de jardiner. Et avec autant de plantes différentes, vous aurez plus de chances que certaines donnent de bons résultats.
Je suis journaliste de formation, mais ces dernières années, je travaille plutôt comme pâtissière, dresseuse de chien de famille et experte en pelleteuses. Mon cœur s’ouvre lorsque mes enfants rient aux larmes de joie et s’endorment le soir, béats, l’un à côté de l’autre. Grâce à eux, je trouve chaque jour l’inspiration pour écrire et je sais maintenant faire la différence entre une chargeuse sur pneus, un finisseur et un bulldozer.