En coulisse

Patient et déterminé : Baptiste Ducommun produit lui-même tous les meubles de son label suisse Klybeck

Pia Seidel
18/4/2023
Traduction: Stéphanie Casada
Photos: Pia Seidel

Ce qui motive l’ébéniste Baptiste Ducommun ? L’amour du métier et une confiance totale en ses capacités.

Il faut du courage à un ébéniste fraîchement formé pour ne pas se contenter de réaliser des prototypes et de travailler à la chaîne pour d’autres marques de meubles. Baptiste Ducommun n’a pas hésité une seconde, il a créé sa marque. Il y a dix ans, il s’est mis à son compte avec sa première création dans le secteur très concurrentiel du design et a fondé son propre label appelé Klybeck.

Dès le début, il a prouvé sa force : il a d’abord peaufiné le projet (qui est encore son best-seller aujourd’hui) pendant deux ans, jusqu’à ce qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui. Lorsque je lui rends visite dans son atelier, il m’explique pourquoi il est normal que les choses prennent parfois plus de temps que prévu.

Savais-tu dès le départ que tu voulais te mettre à ton compte une fois ton apprentissage terminé ?
Baptiste Ducommun : Oui, je voulais commercialiser quelque chose de mon propre chef. Comme j’étais jeune, je n’avais pas grand-chose à perdre.

Depuis, tout semble aller pour le mieux. Depuis la création de ta marque, t’es-tu déjà heurté à des limites ?
Lorsque certains magasins de meubles où mes produits étaient vendus ont dû fermer temporairement pendant la pandémie, cela n’a pas été facile. Mais comme beaucoup, j’ai trouvé la solution en créant ma propre boutique en ligne.

Baptiste est originaire de Suisse romande. Mais c’est à Bâle qu’il a fait son apprentissage.
Baptiste est originaire de Suisse romande. Mais c’est à Bâle qu’il a fait son apprentissage.
Source : Pia Seidel

As-tu toujours voulu faire du design ?
Je me considère plutôt comme un menuisier, car je n’ai jamais étudié le design. Mais je pense que l’essentiel est d’avoir de bonnes idées et de pouvoir les réaliser soi-même dans l’atelier.

Que signifie le nom « Klybeck » ?
Le nom est inspiré du quartier de Klybeck à Bâle. À l’époque, j’habitais en colocation à la Klybeckstrasse et c’est là que mon premier prototype a vu le jour, car je n’avais pas encore d’atelier. Aujourd’hui, j’habite ailleurs, mais mon atelier se trouve toujours dans le quartier.

Quel a été ton premier prototype ?
C’était le portemanteau « Y », inspiré d’un arbre. L’idée m’est venue pendant mon apprentissage de menuisier. Mais il a fallu deux ans pour qu’il ressemble à celui que je vends aujourd’hui.

Pourquoi ?
Au début, je ne pouvais travailler dessus que le soir ou le week-end, car je devais encore terminer mon apprentissage. Et il m’a fallu plusieurs tentatives pour trouver les proportions parfaites.

Qu’est-ce qui caractérise le projet actuel ?
D’une part, les branches du portemanteau doivent avoir un aspect naturel. D’une autre part, il doit y avoir une certaine logique mathématique derrière tout cela. Sur le premier prototype, les branches étaient encore un peu trop épaisses. Le projet actuel est plus fin que le premier et les irrégularités sont juste aux bons endroits.

Le dessin du portemanteau « Y » a évolué au fil des ans.
Le dessin du portemanteau « Y » a évolué au fil des ans.
Source : Pia Seidel

Pourquoi as-tu choisi un arbre comme motif de base ?
Je voulais créer un portemanteau qui sorte de l’ordinaire et qui ait du style. L’idée de réaliser un arbre à partir d’un arbre, comme symbole de la nature, me fascinait. Certain·es client·es ne l’utilisent même pas comme portemanteau, mais le mettent en scène comme une sculpture.

Des cintres et des crochets muraux ont succédé au portemanteau. Ces designs s’inspirent également des branches d’arbres. Comment procèdes-tu lorsque tu crées un modèle ?
Cela dépend. J’ai par exemple développé les patères « Ivy » parce que le portemanteau était trop grand pour de nombreuses entrées. Sinon, c’est plus à l’instinct et j’aime rester sur le thème de la forêt. C’est ainsi qu’est né le cerf « Yy », un trophée de chasse moderne, mais qui est en fait un crochet de garde-robe.

Le bureau de Baptiste se trouve juste à côté de l’atelier dans le quartier de Klybeck.
Le bureau de Baptiste se trouve juste à côté de l’atelier dans le quartier de Klybeck.
Source : Pia Seidel
L’ébéniste aime encore faire ses croquis à la main.
L’ébéniste aime encore faire ses croquis à la main.
Source : Pia Seidel
Il fait aussi des plans sur un mur fait maison.
Il fait aussi des plans sur un mur fait maison.
Source : Pia Seidel

C’est un hasard si une grande partie de tes designs est consacrée à l’entrée ?
Pas vraiment. Les meubles pour l’entrée sont la première chose qui attire le regard lorsque l’on entre dans un appartement ou une maison. Cette idée me plaît. Et ils sont généralement plus rares qu’une table de salle à manger, par exemple, que je ne pourrais d’ailleurs pas fabriquer avec mes moyens actuels.

Quelles sont les caractéristiques que tu apprécies dans le matériau ?
Chaque arbre est différent et a un grain différent, c’est pourquoi, au final, chaque produit est unique.

As-tu déjà voulu t’essayer à d’autres matériaux ?
En tant que menuisier, le bois reste bien sûr mon préféré, mais j’aime le mélange de différents matériaux. Le cerf, par exemple, joue aussi sur les contrastes de couleurs, car sa tête est disponible avec différents revêtements en tissu.

Ici, on huile : le menuisier a développé un workflow pour chaque étape de fabrication.
Ici, on huile : le menuisier a développé un workflow pour chaque étape de fabrication.
Source : Pia Seidel
Il y a un système même pour ses notes...
Il y a un système même pour ses notes...
Source : Pia Seidel
... ou ses rubans adhésifs.
... ou ses rubans adhésifs.
Source : Pia Seidel

C’est vrai qu’il n’y a parfois rien qui n’existe déjà sur le marché. Comment trouves-tu les niches ?
Quand j’ai une idée, j’essaie d’abord de voir sur Internet si quelque chose de similaire existe déjà. Si c’est le cas, je ne prends pas la peine de continuer. Rien que pour le fait que cela ne serait pas correct vis-à-vis d’autres créateurs et créatrices. Ensuite, j’attends généralement une nouvelle inspiration et je fais confiance à mes compétences et à ma patte d’artiste pour me démarquer.

Pour l’instant, tu fais tout tout seul. As-tu l’intention d’employer quelqu’un un jour ?
En cas de besoin, j’ai déjà quelqu’un qui vient me donner un coup de main à l’atelier. À l’avenir, je pourrais aussi envisager d’engager une deuxième personne à titre permanent, de vendre dans les pays voisins et de produire un plus grand nombre de pièces.

Baptiste aime avoir une vue d’ensemble de chaque étape.
Baptiste aime avoir une vue d’ensemble de chaque étape.
Source : Pia Seidel

Tu t’efforces de concevoir de manière durable. Comment cela se manifeste-t-il ?
Le bois vient d’Allemagne, mais je l’ai transformé dans mon atelier. Je me procure les pièces métalliques auprès d’un partenaire situé près de Bâle, même si je les trouverais certainement moins chères ailleurs.

Crois-tu qu’il est important qu’un produit soit développé lentement pour qu’il plaise longtemps ?
Oui, je pense qu’on risque sinon de créer des meubles trop tendance qui ne plaisent plus au bout d’un an. C’est pourquoi investir plus de temps dans un design en vaut vraiment la peine.

Une touche de fantaisie unit les produits de la collection Klybeck.
Une touche de fantaisie unit les produits de la collection Klybeck.
Source : Pia Seidel

Qui sont ces personnes qui sont constamment à la recherche de meilleures solutions de design ? Qui créent une nouvelle chaise ou une nouvelle table alors qu’elles existent déjà des dizaines de milliers de fois ? Dans cette série, je vous présente ce genre de personnes et leurs leitmotive. Suivez mon profil d’autrice pour être informé de la prochaine publication.

Photo d’en-tête : Pia Seidel

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Comme une pom-pom girl, je soutiens le bon design et vous fais découvrir tout ce qui a trait aux meubles et à l’aménagement intérieur. Régulièrement, je vous présente des astuces d’intérieur simples mais raffinées, je parle des tendances et j’interviewe des esprits créatifs sur leur travail. 

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