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« Resident Evil » : un jeu qui a marqué une génération entière
![Philipp Rüegg](/im/Files/4/3/6/3/1/4/2/8/TOM_904911.jpg?impolicy=avatar&resizeWidth=40)
« Resident Evil » a popularisé les jeux d’horreur auprès du grand public. Le titre culte fête cette année son 25e anniversaire. Même après ce long laps de temps, je me souviens encore très bien de ma première rencontre avec le jeu.
Racoon Forest, 1998. Un épais brouillard surplombe la forêt, une colonne de fumée se dessine au loin et une musique effrayante agrémente le décor. L’unité spéciale S.T.A.R.S. est à la recherche de camarades disparus. Soudain, tout s’agite : des coupes rapides montrent des crocs ensanglantés, des corps déchiquetés et des visages terrorisés. Un monstre montre ses dents puis attaque. Les membres du S.T.A.R.S. crient et font feu à volonté.
L’introduction en prise de vue réelle de Resident Evil me remet violemment dans l’ambiance du jeu. Aujourd’hui, ça ressemble plus à une mauvaise scène de série B tournée par un écolier, mais en 1996, j’étais un gamin de 14 ans et Resident Evil véhiculait l’irrésistible attrait de l’interdit : le jeu était autorisé à partir de 18 ans et surtout, de ce que j’entendais dans la cour de récréation, c’était le jeu le plus effrayant de tous les temps.
Tout commença par une PlayStation modifiée
Je jouais alors avant tout sur PC. Mes jeux favoris se nommaient Duke Nukem 3D, Quake ou Super Mario 64 sur Nintendo 64. Tout a changé quand mon grand frère a apporté un jour à la maison une PlayStation modifiée ainsi que d’innombrables jeux. On pouvait lire sur l’un de ces CD deux mots écrits à la main :
Resident Evil.
Même avec l’aide d'un dictionnaire, je n’ai pas réussi à comprendre exactement le sens du titre, mais Evil signifie « le mal » et le jeu repose sur des zombies : je n’ai pas besoin d’en savoir plus. En outre, le petit frère que j’étais n’avait qu’un droit partagé d’accès à la PlayStation et devait faire la queue avant de pouvoir jouer. Mais après une telle intro, ça me convenait parfaitement.
![Tout débute dans cette salle du manoir Spencer.](/im/Files/5/3/4/5/0/8/1/7/1590418316113745245.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Le véritable jeu commence après que ce qu'il reste de l’unité spéciale S.T.A.R.S. a pu se sauver in extremis et se faufiler dans une somptueuse demeure. Seuls restent Albert Wesker, Chris Redfield et Jill Valentine. Les deux derniers sont les personnages jouables. En tant qu’adolescent en pleine puberté, le choix de la maison Rüegg était évident.
Je n’oublierai jamais ce visage
Les graphismes, superbes pour l’époque, stimulaient mon imagination. Que se passe-t-il dans cette demeure ? Quels secrets se cachent derrière ces portes et qu’est-il arrivé à mes camarades ? Avec mon frère, nous avons trouvé le premier indice deux chambres plus loin. C’est l’une des scènes les plus iconiques de l’histoire du jeu vidéo. Resident Evil se joue avec un angle de caméra fixe : nous ne savons ainsi jamais où nous courons et ce qui nous guette, par exemple quand nous arrivons au bout d’un couloir.
Quand nous tournons à la fin de ce dernier, une cinématique se lance. Nous voyons une personne accroupie au-dessus d’une autre. Il ne s'agit pas ici d'un exercice de respiration : des bruits de mastication et l’écoulement d’une flaque de sang nous le font clairement comprendre. Au même moment, la personne accroupie tourne lentement sa tête. La caméra effectue un zoom avant sur elle : un zombie décomposé nous fixe alors avec ses yeux sans vie. Je n’oublierai jamais ce visage. Nous n’avons pas eu le temps de nous remettre de nos émotions : le zombie se dirige lentement vers nous. La lourdeur des commandes associée à la caméra fixe fait de chaque rencontre avec un monstre un duel chargé en adrénaline. Nous descendons presque un magasin entier de munitions avant que le zombie ne s’effondre au sol. Alors que nous aimerions reprendre calmement notre souffle, le monstre de pixels se relève soudain. C’est seulement après trois autres précieuses cartouches que le zombie reste enfin allongé et qu’une deuxième flaque de sang s’ajoute à la première. Le jeu nous a bien eus sur le coup.
Resident Evil est rempli de ces moments chocs. Quand je parle du couloir avec les chiens, chaque joueur et chaque joueuse comprend. À un moment, c’est un couloir normal, libre de toute menace et un lieu de répit sûr. Tout à coup, deux chiens mutants sautent à travers la fenêtre et m’infligent la peur de ma vie.
Qui s'amuse à cacher toutes ces manivelles et pierres précieuses ?
Resident Evil ne se résume néanmoins de loin pas à de l’action et de l’horreur. Les nombreuses énigmes à résoudre constituaient également une caractéristique inhabituelle pour l’époque. Les portes non verrouillées étaient une rareté. Vu que les membres entrainés de l’unité spéciale S.T.A.R.S. ne peuvent pas forcer l’ouverture de portes en bois avec un mortier, on nous demande d’utiliser notre matière grise.
Nous devons placer une pierre précieuse, cachée dans un livre, à la place de l’œil d’une statue. Une autre fois, nous devons ouvrir une grille à l’aide d’une manivelle que nous avons trouvée dans un tiroir caché. Déjà à l’époque, je me demandais comment Umbrella Corporation parvenait à faire de telles choses. L’entreprise en question, qui représente le mal absolu dans le jeu, est responsable de l’apparition des zombies. Ne devrait-elle pas être tout le temps occupée à cacher des pierres précieuses et des clefs quelque part ?
![Qui remet ensuite la statue en place ?](/im/Files/5/3/4/5/0/8/1/6/ytflqbgoraqykeh3qrxw.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Notre progression n’est guère rapide dans Resident Evil. Cependant, à force d’enchaîner les allers-retours, nous connaissons bientôt la demeure comme le dos de la boîte de Smacks de Kelloggs’s. Le fait de ne pouvoir sauvegarder que dans certaines pièces, celles avec une machine à écrire, y contribue aussi.
Comme s'il n'y avait que ça : nous avons aussi besoin à chaque fois d’un ruban encreur. Le joueur de Quake habitué des sauvegardes rapides que je suis a souvent eu des sueurs froides : mon pouls s’accélère ainsi à fois que je m’éloigne de la pièce de sauvegarde. Cela fait de chaque excursion dans Resident Evil une entreprise périlleuse. Nous devons aussi bien réfléchir au matériel à emporter lors de la prochaine tournée d’exploration : l’inventaire se limite en effet à six misérables emplacements. Les armes, les munitions et même les clefs occupent chacun un de ces précieux emplacements.
![Il y a parfois même un monstre dans l’armoire.](/im/Files/5/3/4/5/0/8/5/2/MV5BYzNiMjNhNDAtNzZkYS00N2NkLTg2ZGItMmNmMGYwODU4MjE4XkEyXkFqcGdeQXVyNjk4MzQ5Nzc._V1_.jpg?impolicy=resize&resizeWidth=430)
Les détails dont je me souviens
Il y a ensuite bien évidemment l’histoire. Plus nous explorons la demeure et plus nous découvrons de terrifiantes vérités : il y a en effet des catacombes avec des crocodiles et des araignées géantes, ainsi que des laboratoires menant à d’autres expériences effrayantes. Je dois admettre que je ne comprends pas vraiment l’histoire. Mais en gros, il y a le Virus-t, Wesker est un traître et Umbrella Corporation représente indubitablement le diable.
Je retiens mieux les petites histoires. Une fois, nous trouvons un journal dans une chambre à coucher. À l’intérieur, un chercheur parle des soirées poker avec ses collègues ainsi que de son travail sur les expériences vivantes d’Umbrella Corporation. À un moment, il se plaint de démangeaisons et d’une zone enflée dans son dos. Je me rends compte qu’il a été infecté par le Virus-t. Avec l’augmentation des symptômes, les entrées dans le journal deviennent toujours plus confuses. La dernière phrase est la suivante :
« Itchy itchy Scott came. Ugly face so killed him. Tasty.
Itchy.
Tasty. »
Alors que mon frère et moi nous remettons de ce que nous venons de lire, un zombie surgit soudain de l’armoire. Une blessure et un demi-magasin plus tard, le monstre git sur le sol. Il porte une blouse blanche.
Un souvenir pour la vie
J’ai refait le remake de Resident Evil sur Nintendo Gamecube une année plus tard. La version PS1 m’a néanmoins marqué, à l’époque où je regardais par-dessus l’épaule de mon frère durant des nuits entières. Ce mélange unique d’horreur, d’action, d’énigmes et d’une histoire confuse était tout simplement incomparable. Aujourd'hui, 25 ans plus tard, Resident Evil Village constitue déjà le huitième opus de la saga. À cette dernière se sont ajoutées de nombreuses séries dérivées et adaptations cinématographiques. Il n’y a pas de fin en vue et c’est une bonne chose : peut-être que quelque part dans le monde, un adolescent de 14 ans se perd dans un étroit couloir au sein d’une demeure de fiction exagérément grande. Il ne se doute pas que le choc de sa vie est imminent.
Le cycle peut recommencer.
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En tant que fou de jeu et de gadgets, je suis dans mon élément chez digitec et Galaxus. Quand je ne suis pas comme Tim Taylor à bidouiller mon PC ou en train de parler de jeux dans mon Podcast http://www.onemorelevel.ch, j’aime bien me poser sur mon biclou et trouver quelques bons trails. Je comble mes besoins culturels avec une petite mousse et des conversations profondes lors des matchs souvent très frustrants du FC Winterthour.