Plus de protéine, moins de glucides : bien manger pendant la grossesse
En coulisse

Plus de protéine, moins de glucides : bien manger pendant la grossesse

Mareike Steger
20/9/2023
Traduction: Martin Grande

Avez-vous déjà entendu parler de « programmation fœtale » ? Si votre partenaire ou vous-même êtes enceinte ou prévoyez de l’être, c’est une sujet très pertinent. En effet, ce que les futures mamans mangent influence le métabolisme du bébé, en bien ou en mal. Spoiler : la règle des 30/20/30 s’applique à toutes les femmes enceintes.

Pas de sushis, pas de carpaccio, et pas de fromage non plus ? Pendant leur grossesse, les femmes ont en tête une liste d’interdictions alimentaires. Que manger ou ne pas manger, telle est la question... Il est primordial de connaître les macronutriments essentiels, commence le Dr Dietmar Moosburger, gynécologue et expert en diagnostic prénatal à Salzbourg. Pendant la grossesse, le métabolisme de l’enfant à naître est influencé par l’alimentation, parmi d’autres facteurs. La recherche part du principe que la probabilité de souffrir de certaines maladies chroniques au cours de la vie peut être déterminée dès la vie intra-utérine.

Quels aliments sont à éviter pour les femmes enceintes qui veulent protéger la vie qui grandit en elles ?

Dr Dietmar Moosburger : Les infections alimentaires dues à la listériose et à la toxoplasmose sont devenues extrêmement rares dans les pays occidentaux. En Autriche, le statut immunitaire est testé dans le sang au début de la grossesse. Si des anticorps sont présents, la femme enceinte est protégée contre la prochaine infection. Cela ne s’applique toutefois pas à la listeria. On ne peut pas développer d’immunité contre ces bactéries. Le mode de transmission est le même que pour la toxoplasmose. Sa prévention est très simple. Les aliments d’origine animale doivent être chauffés à 70 degrés. L’idéal est de manger des aliments fraîchement préparés. La salade et les légumes consommés crus doivent être lavés très soigneusement. Il est également important d’avoir une cuisine propre et une bonne hygiène en faisant à manger. Si l’on fait attention, rien ne peut arriver.

En tant que future mère, on a vite l’impression que tout est interdit ou déconseillé. Pourquoi observe-t-on ce phénomène ?

À mon avis, c’est le plus gros problème dans l’alimentation des femmes enceintes. Elles ne sont pas suffisamment informées des besoins nutritionnels de leur bébé. Ni par leur médecin, ni par d’autres sources d’information. Sur Internet, même dans les informations destinées aux professionnel·les de la santé, on ne trouve que des listes indiquant les besoins supplémentaires en micronutriments spécifiques tels que l’acide folique, l’iode, le fer, la vitamine D et les oméga 3. Aucun mot n’est prononcé sur les besoins supplémentaires, qui concernent spécifiquement les macronutriments que sont les protéines. Je ne comprends pas pourquoi ces connaissances ne sont pas transmises à grande échelle.

Pourquoi les protéines sont-elles si importantes ?

Au cours de la phase de formation d’un nouveau corps, on a surtout besoin de matériaux de construction et de très peu de combustibles.

Les matériaux de construction sont les macronutriments dont notre corps a besoin pour sa croissance, c’est-à-dire : les protéines. Les combustibles, en revanche, sont les glucides et les lipides, c’est-à-dire les macronutriments qui fournissent de l’énergie au corps pour bouger, penser, se chauffer et grandir.

Exactement. Pendant la grossesse, les besoins en toute une série de vitamines et de minéraux augmentent, mais cela peut être couvert par un choix d’aliments approprié ou, le cas échéant, par des suppléments. Le plus important est de garder à l’esprit l’augmentation des besoins en protéines. En effet, les billions de cellules d’un bébé se forment à partir des acides aminés obtenus par la dégradation des protéines. Une protéine est une chaîne d’acides aminés. Les acides aminés dits « essentiels », que nous ne pouvons consommer que par le biais de l’alimentation, sont particulièrement importants. Si l’enfant à naître n’en reçoit pas, il ou elle ne peut obtenir des acides aminés que par la dégradation des muscles de la mère. S’il lui manque les acides aminés essentiels, des cellules défectueuses peuvent se former et il ou elle ne peut pas développer suffisamment ses propres cellules musculaires. J’aime bien dire que les acides aminés essentiels de l’alimentation sont pour le bébé comme un triple vitrage. Les acides aminés issus de la dégradation musculaire de la mère ne sont qu’un simple vitrage.

Quels sont les conseils alimentaires concrets que vous donnez à vos patientes enceintes ?

Les besoins en protéines pendant la grossesse sont de 2 g/kg de poids corporel par jour. La règle 30/20/30 est facile à retenir. Les femmes enceintes doivent consommer 30 grammes de protéines le matin, 20 grammes à midi et à nouveau 30 grammes le soir. Il est également préférable que les collations soient riches en protéines. Par exemple, 500 ml de lait battu, un paquet de 200 g de cottage ou un yaourt grec original, ou encore une boîte de thon ou de sardines. Je conseille à mes patientes de manger deux œufs par jour.

La phrase « un repas pour deux » est-elle vraiment valable ?

Aucune augmentation de l’apport énergétique sous forme de glucides n’est nécessaire. En effet, les besoins énergétiques requis augmentent surtout au moment de la formation des tissus et de la croissance fœtale. Cela ne devient pertinent qu’au troisième trimestre. Or, dans la plupart des cas, les femmes bougent déjà beaucoup moins à partir du septième mois, donc le bilan énergétique ne change pas par rapport à l’état hors grossesse. L’idée de « manger pour deux » s’applique aux femmes enceintes dans la mesure où elles devraient manger comme si elles étaient assises à table avec leur enfant et réfléchir à ce qu’elles mettent dans son assiette. Vous devriez penser pour deux et manger ce dont le bébé a besoin pour grandir sainement.

Au fond, c’est très clair. Ce que les futures mères mangent a des répercussions sur leur enfant à naître... mais peu de gens savent à quel point les conséquences peuvent être importantes.

La manière dont les neuf mois précédant la naissance façonnent le reste de notre vie est méconnue du grand public, alors que cette constatation est scientifiquement prouvée depuis des décennies et de plus en plus étayée année après année. Les scientifiques l’appellent « programmation fœtale ». Toutes les maladies non infectieuses survenant au cours d’une vie humaine trouvent leur origine dans la période de la grossesse. Le ventre de la mère représente donc un lieu crucial pour la prévention des maladies de civilisation les plus courantes. Les femmes enceintes peuvent faire beaucoup de bien à leur enfant à naître.

Existe-t-il beaucoup d’études scientifiques sur la programmation fœtale ?

Elles sont innombrables. PubMed en trouve environ 190 000 avec le terme de recherche « fetal programming » ; Google Search en trouve même 20 millions. La Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique, la FIGO, a averti dans une conférence que le mode de vie occidental conduit à un « désastre au ralenti » pendant la grossesse. Inversement, comme nous l’avons dit, cela signifie que les futures mères ont une chance énorme d’influencer positivement les conditions de vie de leur enfant.

Comment le bébé est programmé dans le ventre de sa mère ?

La mère partage avec le fœtus tout ce qui entre en contact avec elle dans la vie quotidienne : l’air qu’elle respire, les aliments et les boissons qu’elle consomme, les toxines auxquelles elle s’expose, les émotions qu’elle ressent, etc. Affamé, le fœtus absorbe ces « dons » maternels et les intègre dans son corps, les transformant ainsi en sa chair et son sang. Les cellules du bébé doivent non seulement être construites, mais leur fonction doit également être apprise. J’aime bien l’expression « université intra-utérine ». Tout dépend de ce que l’on appelle l’épigénétique, c’est-à-dire l’environnement intra-utérin dans lequel les gènes peuvent se développer.

Avez-vous un exemple académique à ce sujet ?

Les études les plus poussées portent sur l’apparition d’une résistance congénitale à l’insuline, qui conduit plus tard à l’apparition du diabète et du syndrome métabolique. Celui-ci est à son tour responsable des maladies chroniques les plus fréquentes. Que se passe-t-il dans « l’université intra-utérine » si la femme enceinte se nourrit de beaucoup de glucides, ce qui est typique dans les pays occidentaux industrialisés ? Les glucides sont transformés en glucose, qui passe tel quel à travers le placenta et dans le sang du fœtus. Comme celui-ci n’a guère besoin d’énergie, il doit se débarrasser de l’énorme quantité de glucose. Comment fait-il ? En construisant un nombre particulièrement élevé de cellules qui produisent de l’insuline. Le problème est que ces cellules excédentaires ne sont pas éliminées, et elles continuent à produire de l’insuline à tout va après la naissance. Pour que le bébé ne fasse pas d’hypoglycémie à ce moment-là, les récepteurs d’insuline se rétractent. C’est ce qu’on appelle la résistance à l’insuline. Les cellules de l’hypothalamus sont durablement calibrées pour l’abondance par la quantité importante de glucose dans le sang du fœtus. Plus tard dans la vie, elles ressentiront une alimentation normale comme une famine aiguë. Ces enfants deviennent très souvent obèses et ont un risque élevé de développer du diabète.

Existe-t-il des périodes sensibles pendant lesquelles la bonne alimentation de la mère a une influence particulièrement forte sur le métabolisme du bébé ? Au cours de la grossesse, des billions de cellules d’un bébé se forment. C’est pourquoi l’apport régulier de matériaux de construction, c’est-à-dire de protéines, est essentiel à chaque étape de la grossesse. Toutefois, le placenta se forme au cours des 16 premières semaines de la grossesse. C’est à ce moment qu’une alimentation riche en protéines est particulièrement importante. En 2022, la médecin prénatale espagnole Francesca Crevetto a reçu la plus haute distinction de l’ISUOG (International Society of Ultrasound in Obstetrics and Gynecology) pour avoir démontré qu’une alimentation méditerranéenne riche en protéines pouvait prévenir de nombreux cas de retard de croissance fœtale, qui partent toujours d’un trouble du développement du placenta.

Le fait de savoir que l’on risque de transmettre du diabète à son enfant génère une pression immense. En tant que gynécologue, comment rassurez-vous les futures mamans ?

S’il est vrai que le comportement maternel pendant la grossesse peut influencer le bébé pour le reste de sa vie, c’est la motivation personnelle de la mère qui fait la différence. Si un ou une professionnel·le de la santé prend le temps d’expliquer aux femmes, avec empathie, ce dont leur bébé a besoin, la plupart d’entre elles parviennent à adapter leur mode de vie en conséquence. Elles le font pour le bébé et non pour elles-mêmes. Dans mon cabinet, je suis persuadé que 90 pour cent d’entre elles y parviennent sans aucun stress. D’autre part, elles remarquent qu’elles se sentent mieux quand elles mangent un porridge avec du yaourt et des baies au petit-déjeuner plutôt qu’une tartine de confiture ou de Nutella. La connaissance de la programmation fœtale ne doit pas être une pression psychologique, mais plutôt un plaisir de voir comment des changements agréables et savoureux dans son propre mode de vie peuvent grandement contribuer à la santé du bébé. Je pense que nous sous-estimons le pouvoir de changer notre propre comportement, pour autant que ces connaissances soient publiées et transmises aux femmes.

Photo d’en-tête : shutterstock

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Mareike Steger
Autorin von customize mediahouse

J'aurais pu devenir enseignante, mais je préfère apprendre plutôt qu'enseigner. Jour après jour, j'apprends grâce aux articles que je rédige. J'aime particulièrement les thème de la santé et de la psychologie.


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