Critique

Critique du film « Black Widow » : enfin là, mais décevant

Luca Fontana
29/6/2021

Enfin arrive Natasha Romanoff, enfin arrive Black Widow. Mais ce qui aurait pu être, ou aurait dû être un triomphe, ne provoque pas l'effet escompté.

Avant toute chose, il n'y a aucun spoiler dans cette critique. Vous n’apprendrez rien de plus que ce qui est déjà révélé dans les bandes-annonces existantes.


Natasha Romanoff (Scarlett Johansson) alias Black Widow est morte. Ce n'est pas un spoiler, car nous l'avons déjà vu mourir dans le film *Avengers : Endgame" il y a deux ans. Elle s'est sacrifiée. Pas pour sauver l'humanité d'un titan fou, mais pour sauver ce qui était devenu sa famille.

Puis arrive le film Black Widow et dit : non, pas vraiment, il y a encore une famille, et raconte une histoire sur la douleur et le passé qui ne fait pas vraiment effet. Mais commençons par le commencement !

Les démons du passé

Recrutée comme orpheline par le KGB, Natasha Romanoff a été confiée à la Chambre Rouge, un programme soviétique top secret de lavage de cerveau et d'entraînement qui transforme les jeunes femmes en assassins d'élite, les Black Widow. C'était son histoire.

J'insiste sur le « c'était ».

Depuis, Natasha a changé de camp. D'abord en tant qu'agent du SHIELD, puis en tant que membre des Avengers, qui sont devenus sa famille. Une famille qui traverse une mauvaise passe. En effet, Black Widow se déroule entre les événements de Captain America : Civil War et Avengers : Infinity War. Le statu quo : les superhéros se sont divisés en deux camps. Une fois de plus, Natasha doit trouver sa place dans le monde.

Natascha reçoit un mystérieux colis. Un appel à l'aide... du passé. Et avant qu'elle n'aie eu le temps de dire ouf, apparaît le Taskmaster, ou Maître de Corvées, une machine à tuer apparemment inarrêtable, contrôlée par l'homme qui l'a autrefois livrée au programme Chambre Rouge.

Action riche en brutalité, mais rien de captivant

Il est difficile de ne pas remarquer où la réalisatrice relativement inconnue Cate Shortland a puisé la majeure partie de son inspiration. Après tous, Black Widow est avant tout un thriller d'espionnage pur et dur. Cela plaît à beaucoup. Surtout dans la première moitié du film, qui ne ressemble pas du tout à un film de superhéros Marvel.

Cela est dû au style visuel que Shortland, avec le caméraman Gabriel Beristain, vole sans complexe aux frères Russo, les réalisateurs de Captain America : The Winter Soldier. Tout comme là-bas, l'image semble froide et désaturée, et l'action est principalement « réalisée à la main ». Comme lorsque le Maître de Corvées fonce bille en tête dans les rues de Budapest comme le Terminator d'Arnold Schwarzenegger, à la poursuite de l'insaisissable Veuve Noire.

Pluie de synthèse ? Non. Explosions ? Elles semblent réelles. Des voitures qui s'envolent suite à la force de l'explosion ? Certainement pas une simple bosse dans la carrosserie. C'est comme ça que ça doit se passer quand on montre des explosions.

On ne sait pas encore qui se trouve sous ce casque au début.
On ne sait pas encore qui se trouve sous ce casque au début.
Source : Marvel Studios

Les compétences en arts martiaux dans le film sont encore plus impressionnantes. Et cela n'a rien d'étonnant : ce sont les machines à tuer féminines les plus mortelles de la planète. Sans oublier Taskmaster. Petite explication : au cinéma comme dans les comics, il possède des réflexes photographiques. Cela signifie qu'il peut immédiatement imiter les choses qu'il voit. Par exemple quand il voit Natasha Romanoff faire des saltos arrière et éliminer ses adversaires, il peut aussi le faire. Comme ça, sans raison.

En particulier pour les fans Marvel de longue date, de tels moments sont toujours révélateurs. À un moment donné, il étudie des extraits d'Iron Man 2 pour apprendre les techniques de combat de Natasha. Plus tard, il lance son bouclier comme Captain America, sort ses griffes comme Black Panther et tire des flèches avec autant de précision que Hawkeye.

Magnifique. Enfin, en théorie.

Et je dis en théorie, car Black Widow manque une grande opportunité. À savoir, s'éloigner au moins un peu de l'action marvelesque pour se rapprocher de l'action John-Wickesque. Après tout, je ne veux pas seulement voir les coups de poing, les coups de pied et les combats, je veux les ressentir à fond. Cela fonctionne brillamment dans le film John Wick réalisé par David Leitch. Et encore mieux dans Atomic Blonde, du même réalisateur. Dans ces films, les protagonistes se fatiguent pendant leurs combats et subissent des blessures et doivent en porter les conséquences.

La réalisatrice Cate Shortland essaie visiblement de mettre en scène l'action comme le ferait David Leitch. On le remarque dans chaque plan. Chaque chorégraphie méticuleusement répétée avec amour a beaucoup de mordant.

Où se trouve la différence ? Lorsque Natasha et son homologue terrassent leurs ennemis à la manière de John Wick, deux minutes plus tard, il n'y a plus rien à voir. Pas de blessure, pas même une égratignure ! Personne n'est essoufflé. Des superhéros comme Thor ou Captain Marvel deviennent fous, mais pas Natasha, une humaine ordinaire sans superpouvoirs.

Bien sûr, Black Widow ne s'adresse pas au même public cible que John Wick ou Atomic Blonde, pourtant, je suis sûr qu'il aurait été possible de rendre l'action plus rigoureuse sans risquer une classification FSK-18. Cela s'est produit ni pour Captain America : The Winter Soldier ni pour Captain America : Civil War. Et ils n'y vont pas de main morte.

La famille recomposée

Bon, c'est vrai, c'est amusant d'avoir de l'action. Le mélange est bon : un thriller d'espionnage, le passé de Natasha, une copie de Terminator qui imite tous les arts martiaux utilisés contre lui ; jusqu'ici, tout est génial.

Mais la seconde moitié du film trébuche sur un scénario qui ne sait pas vraiment s'il veut encore être un thriller d'espionnage ou s'il préfère être une tornade d'images de synthèse. Et comme si le registre sombre qui prévalait avant était de trop, on sort soudain le registre de la famille recomposée.

Hein ?

Le Red Guardian est amusant, mais pas tout à fait en accord avec la tonalité globale du film.
Le Red Guardian est amusant, mais pas tout à fait en accord avec la tonalité globale du film.
Source : Marvel Studios

Ne vous méprenez pas, L'acteur David Harbour incarne un Red Guardian très cliché, mais c'est exactement cela qui le rend sympathique ; en gros c'est une caricature d'un Captain America soviétique. Il est aussi un peu le père de la famille recomposée dont Natasha Romanoff faisait apparemment partie, mais qui apparaît dans le MCU aussi rapidement qu'elle disparaît. Ajoutez à cela Melina Vostokoff, jouée par Reichel Weisz, la maman, le cerveau de la famille.

Vous voyez les clichés ?

En réalité, seule la sœur de Natasha, Yelena Belova, passe pour un atout, jouée avec beaucoup de charisme et d'insolence par la nouvelle venue Florence Pugh. Elle aussi a dû subir le programme de la Chambre Rouge. C'est pourquoi la relation qu'elle entretient avec Natasha – leurs conversations – est aussi la plus révélatrice lorsqu'il s'agit d'explorer les démons qui hantent encore Natasha.

Natasha Romanoff (Scarlett Johansson) et Yelena Belova (Florence Pugh)
Natasha Romanoff (Scarlett Johansson) et Yelena Belova (Florence Pugh)
Source : Marvel Studios

Et je peux, d'ores et déjà vous dire que les chances de revoir Yelena dans le MCU sont bonnes.

Ce qui aurait pu se passer

J'espérais que Black Widow ferait la lumière sur le passé de Natasha Romanoff, ses traumatismes, son entraînement, tout le sang que d'après Loki elle avait sur ses mains dans Avengers, sans oublier le rôle que le Clint Barton de Jeremy Renner, alias Hawkeye, a joué pour blanchir Natasha. Rien de tout cela ne se retrouve dans le film. Ou tout au plus, de manière marginale.

Au lieu de cela, Black Widow ressemble surtout à une série Disney+ qui se trouve au cinéma par hasard. C'est un peu l'« aventure de la semaine » où l'on apprend une chose ou deux sur le personnage principal sans vraiment l'approfondir.

Encore des occasions manquées.

Non, mais franchement... Il y aurait déjà tellement de choses à raconter sur la Chambre Rouge, l'institution, le lavage de cerveau, les atrocités ; dans les bandes dessinées, les filles choisies sont soumises à un entraînement quotidien exhaustif au combat à mains nues, et sont formées aux acrobaties et aux compétences tactiques. De temps en temps, deux filles sont alors choisies pour s'affronter jusqu'à la mort. Seule la gagnante survit ; aucune faiblesse n'est tolérée dans la Chambre Rouge.

La Chambre Rouge dans les comics
La Chambre Rouge dans les comics
Source : Marvel Comics

Sur des projections vidéo, les filles regardent des films comme Blanche-Neige et les sept nains, mais entrecoupés de messages subliminaux comme la peur, la paranoïa, et la crainte. Et quand elles dorment, leurs mains et les jambes sont attachées aux cadres du lit pour que personne ne tente de s'échapper.

L'utilisation d'armes fait aussi partie du programme. Et les entraînements de tir ne se font pas uniquement sur des attrapes. Parfois, les filles tirent sur de vraies personnes, pour qu'elles aient moins de gênes à tuer plus tard. Enfin, en guise de cérémonie finale, l'utérus et les ovaires des filles sont retirés afin qu'elles ne puissent pas avoir d'enfants. Ainsi, rien ne peut se mettre en travers de la mission des futurs agents.

Vous voyez, c'est vraiment cruel, mais aussi incroyablement plus passionnant et impressionnant.

Verdict

Voilà ce que j'aurais attendu d'un film Black Widow : revenir sur un passé à peine tolérable qui a été évoqué à plusieurs reprises, mais jamais vraiment expliqué dans les 23 films du MCU à ce jour. Pour moi, ce film aurait dû être le film solo tant attendu de l'un des personnages les plus passionnants et les plus approfondis du MCU.

Bien sûr, Black Widow est plein d'action spectaculaire et bien jouée. À cela s'ajoutent les superbes chorégraphies de combat, qui auraient dû être un peu plus rigoureuses cependant, et l'humour, qui est assez bon, comme on le connaît de Marvel.

Est-ce que l'ensemble est solide ? Oui, mais pas assez bon à mon avis. Il me manque la profondeur que le scénario veut suggérer à travers l'apparition de la famille recomposée, mais n'y parvient jamais. Black Widow est donc un film amusant à regarder, mais qui ne m'apprend rien de nouveau sur le personnage de Natasha Romanoff.


Black Widow sortira en salle dès le 8 juillet et sera disponible sur Disney+ à partir du 9 via l'accès VIP payant (29,90 CHF). À partir du 6 octobre, Black Widow sera disponible pour tous les comptes Disney+, même sans accès VIP.

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