
Dans les coulisses
Galaxus.de va bientôt fêter son anniversaire : retour sur ces cinq années
par Daniel Borchers
Il y a dix ans, Florian Teuteberg et Martin Walthert ont tous deux pris part au lancement du grand magasin en ligne Galaxus, respectivement en tant que directeur commercial et directeur marketing. Dans cet entretien, ils reviennent ensemble sur l’ascension fulgurante de la marque, mais aussi sur les fabricants récalcitrants et les systèmes obsolètes.
Martin Walthert : il y a dix ans, les boutiques en ligne proposant un assortiment large et complet se comptaient presque sur les doigts d'une main dans le monde entier. En Suisse, nous avons été les premiers à proposer une telle offre.
Florian Teuteberg : il existait déjà des marchands spécialisés dans un domaine particulier, et nous en faisions partie avec digitec, mais il n’existait encore aucun grand magasin en ligne permettant de tout acheter sous une même enseigne. La mise en place d'une telle plateforme était et reste encore aujourd’hui très coûteuse. D'une part, il faut avoir les capacités techniques et les systèmes nécessaires pour gérer efficacement un assortiment aussi vaste, d'autre part, il faut établir des relations commerciales avec des centaines de fournisseurs dans tous les secteurs. Cela demande beaucoup de travail et de la persévérance.
Martin : avec digitec, nous étions déjà présents sur le marché dans les domaines de l’électronique grand public et l’IT. Pour la majeure partie, nos fournisseurs proposaient également des articles ménagers, il paraissait donc logique de commencer par là.
Martin : (rires) avec « Gerda Home », nous voulions être dans l’esprit du petit commerce de proximité, avec une touche d’humour bien sûr.
Florian : nous voulions créer une proximité avec notre clientèle. Alors que digitec était technique et froid, nous voulions faire de Gerda Home, alias Galaxus, un environnement accessible et personnel.
Martin : « Gerda Home » était bien sûr une idée stupide, non seulement parce qu’elle renvoyait une vision sexiste et genrée des rôles qui serait aujourd’hui encore moins bien perçue qu’il y a dix ans, mais aussi parce que ce nom ne correspondait pas à certains produits comme les chaussures de sport, les tondeuses et les sextoys. Ce nom inspirait aussi tout sauf l’image d’une boutique en ligne internationale et multilingue.
Martin : digitec est une marque merveilleuse qui se prête parfaitement à la vente de produits électroniques et numériques, mais qui aurait l'idée de se rendre dans une boutique appelée « digitec » pour acheter les baskets dernier cri ou du linge de lit ? Un tel élargissement de l'assortiment de digitec aurait, en outre, fortement dilué la compétence de la marque dans ses domaines clés et aurait froissé la clientèle existante et déjà fidèle.
Florian : de plus, la marque et le nom de domaine « digitec » étaient déjà pris dans la plupart des pays, il nous fallait donc un nom que l’on puisse protéger à l’international.
Martin : absolument ! digitec et Galaxus ont des groupes cibles bien différents et ont chacune un ton et une image bien à elles. Avec digitec, nous occupons sans mal le terrain de la grande compétence technique, car aucun concurrent n’est aussi sérieux que nous.
Martin : dans nos campagnes, nous explorons et dépassons parfois les limites de la publicité à laquelle nous sommes habitués. En rompant avec les codes visuels habituels, nous surprenons ou nous irritons. Ce faisant, nous voulons créer une proximité humaine et émotionnelle en faisant preuve d'authenticité, d'humour et de sympathie pour la réalité de la vie. Nous nous démarquons ainsi des plateformes automatisées, technocratiques et anonymes qui existent par ailleurs au niveau international.
Florian : nous voulions offrir un assortiment aussi large que possible le plus rapidement possible. Nous avons alors lancé un groupe de produits après l'autre, à intervalles rapprochés.
Florian : au début, nous avons simplement ajouté tout ce que nous avions reçu à la boutique, sans nous soucier de la disponibilité, des prix ou des données produits, pas toujours complètes. Mais nous avons rapidement constaté qu'il ne servait à rien d’agrandir l’assortiment sans stratégie. Nous avons donc dû développer massivement le département Category Management afin de gérer la qualité des différents groupes de marchandises. En outre, nous avons dû augmenter nos capacités de stockage afin que les produits demandés soient disponibles et livrables rapidement.
Florian : après le lancement de Galaxus, nous nous sommes rapidement rendu compte que nous aurions besoin d’investissements massifs pour créer de nouvelles catégories à un bon rythme, agrandir notre capacité de stockage et faire connaitre la marque Galaxus dans toute la Suisse. digitec était certes rentable, mais ses bénéfices ne suffisaient pas à financer la croissance de Galaxus. Nous nous sommes donc mis à la recherche d'un investisseur qui partageait notre vision et avait la force financière nécessaire pour mener à bien un tel projet. Avec Migros, nous avons trouvé le partenaire idéal : la société partage notre vision à long terme. Elle a soutenu la croissance par des prêts tout en nous laissant toute liberté d'entreprendre.
Florian : c’était chouette de constater que notre idée avait trouvé son public. En très peu de temps, tous nos produits et catégories ont connu le succès. Le besoin pour une nouvelle plateforme était visiblement là. Personnellement, je me réjouissais aussi de pouvoir enfin faire mes achats sur une boutique raisonnable (rires).
Florian : Galaxus était une nouvelle boutique en ligne, mais cachait aussi un tout nouveau système. En effet, après une dizaine d’années de bons et loyaux services, nous devions remplacer le système complètement obsolète de digitec. Pour cela, nous avons pour ainsi dire utilisé Galaxus comme plateforme de test, car le volume y était beaucoup plus faible que chez digitec. Mais repartir de zéro pour développer nous-mêmes tout le système, de l'ERP à la boutique en ligne, était un projet monstre qui a failli nous briser le cou.
Pendant plusieurs années, nous avons dû travailler avec deux systèmes en parallèle, le système de Galaxus étant vraiment une béquille au début, car il n’était pas efficace et plein d’erreurs. Et comme toutes les ressources étaient consacrées à la nouvelle plateforme, l’innovation a été bloquée plusieurs années durant chez digitec. Le passage de digitec au nouveau système Galaxus fût une étape dure pour toute l'entreprise, mais aussi une délivrance. Nous avons ensuite pu continuer à développer efficacement digitec et Galaxus sur une seule plateforme.
Florian : nous pensions que les fournisseurs allaient nous accueillir à bras ouverts, mais, au début, la plupart ne voulaient rien avoir à faire avec nous. Soit ils ne croyaient pas en l’avenir du commerce en ligne, soit ils voulaient protéger le commerce stationnaire et nous tenir à bonne distance. Nos illusions ont volé en éclat, nous étions à nouveau confrontés à la résistance des débuts de digitec. Mais pour nous, il était évident que notre clientèle ne voulait pas seulement acheter des produits électroniques en ligne. Nous avons donc dû faire preuve de créativité et avons eu recours à l’importation parallèle. Établir des partenariats directs avec les fabricants demande beaucoup d’efforts ; d’ailleurs, le travail se poursuit encore aujourd'hui.
Florian : en 2012, nous avons réalisé un chiffre d’affaires d’environ 500 millions de francs avec digitec. Après une courte phase de démarrage, nous nous étions fixé pour objectif de dépasser le milliard de francs de chiffre d’affaires d’ici 2018 avec Galaxus, en collaboration avec la Migros. À l'époque, il s'agissait plus d'une vision que d'un objectif concret, mais nous y sommes presque parvenus avec 992 millions de francs.
Martin : nous voulons faire partie des leaders européens de la vente en ligne.
Martin : l’ouverture d’une telle plateforme s’est bien sûr accompagnée d’une perte de contrôle, notamment s’agissant des descriptions de produit, prix ou délais de livraison. Nous gérons plus de quatre millions d'articles de manière largement automatisée et il y a encore des erreurs qui font parfois très mal. Nous n’en sommes pas encore satisfaits et nous affairons encore en priorité à l'amélioration de la qualité de nos données produits, y compris dans les tréfonds de notre assortiment en croissance constante.
Martin : probablement dans tous les pays de l’Union européenne.
Florian : peut-être là-bas aussi.
Florian : toujours très gros. Les achats en ligne ne représentent encore que 20 % de tous les achats de produits non alimentaires. J'y vois un potentiel d'au moins 50 %, comme nous le voyons déjà dans certaines catégories de produits plus développées.
Martin : la croissance atteint presque exactement la moyenne des estimations ambitieuses que la direction s’était fixées un peu à la rigolade. Nous sommes donc ravis, mais pas complètement surpris.
Martin : nous commençons à faire connaitre la marque en Allemagne et avons lancé de grandes campagnes publicitaires. En Autriche, nous continuons à tester et à observer, et nous investirons davantage au moment opportun.
Florian : pour nous, une approche environnementale et sociale durable va de soi. Nous orientons de plus en plus notre activité vers une utilisation des ressources durable à tous les niveaux. Cela concerne notre propre entreprise, mais nous souhaitons surtout permettre à nos clients de faire des achats plus responsables.
Martin : un grand merci ! Notre communauté donne vie à nos boutiques et rend les plateformes d'achat, par définition techniques, plus humaines et vivantes. De plus, la communauté est un soutien énorme pour les personnes qui cherchent de l’aide. En effet, l’entraide et le partage des compétences et des connaissances sont monnaie courante dans la communauté.
Florian : sans vous, Galaxus ne serait pas ce qu’elle est. Merci de tout cœur !
Chez Digitec et Galaxus, je suis responsable de l'échange avec les journalistes et les blogueurs. Les bonnes histoires sont ma passion; voilà pourquoi je suis toujours à la page.