« The Batman » est un triomphe, un chef-d’œuvre !
« The Batman » n'est pas un film de superhéros. C’est plutôt un mélange épique de trois heures de film noir et de thriller psychologique, le meilleur film que j'ai vu au cinéma depuis des mois.
Avant toute chose : cette critique ne contient aucun spoiler. Vous ne lisez que les informations connues grâce aux bandes-annonces déjà diffusées.
Des bruits de pas sourds et lourds. Floc. Floc. Floc... Quelque chose se cache dans l'ombre. Elle traque et tourne autour de sa proie. Tout à coup, une silhouette se dessine. À peine visible, au début. Floc. Floc. Floc... Un homme aux larges épaules avec une cape et des oreilles pointues. Deux yeux regardent dans l’obscurité. Floc. Floc. Floc... Ils se rapprochent. Floc. Floc. Floc...
« Mais qui es-tu ? », demande la proie naïvement.
« Je suis Vengeance », répond Batman avant de l'attaquer.
De quoi est-il question dans « The Batman » ?
Gotham City. Miroir d’une ville malade. Le fils de milliardaire et orphelin, Bruce Wayne (Robert Pattinson), parcourt les rues de nuit depuis deux ans sous le nom de Batman, seul, semant la terreur parmi les criminels de la ville. Mais que peut-il faire ? Guérir la ville est un combat perdu d'avance. Mais, il faut bien que quelqu'un le fasse.
Notamment, lorsqu'un candidat politique important est assassiné à son domicile. Le coupable est inconnu. Les seules traces qu'il laisse derrière lui sont des énigmes, des mystères. Il semble les aimer. Seul le lieutenant Gordon (Jeffrey Wright), contrairement au reste de la police, est assez courageux pour laisser Batman se rendre sur les lieux du crime, pas au bon vouloir de tous. Ainsi, son enquête le mène bientôt d'un meurtre sadique à l’autre, le Sphinx s'en prend à l'élite de Gotham. Et ce n'est pas tout :
ses projets sont bien plus importants et dangereux qu'il n'y paraît.
Matt Reeves, un nom à retenir
Le fait de confier ce film sur Batman au réalisateur Matt Reeves a été un choix intelligent. Parce que ce n'était pas le plus évident. Pas encore du moins. Pour cela, l'Américain aurait besoin d'une signature claire, ce qu'il ne peut guère avoir après trois films en 14 ans.
Ou bien ?
La première réalisation de Matt Reeves, Cloverfield, a certes été bien accueillie en 2008, mais elle n'est pas considérée comme un chef-d'œuvre de la science-fiction. Ce sont ses deux films La Planète des singes qui lui ont valu une grande reconnaissance à Hollywood en 2014 et 2017. Justement parce qu’il a dépassé toutes les attentes. En plus d’un milliard environ de recettes au box-office, Reeves a également joué un rôle important dans le fait que la trilogie est encore aujourd'hui plus acclamée par les critiques et le public que ses prédécesseurs emblématiques avec Charles Heston dans le rôle principal.
Personne ne l'a vu venir. Le mérite de Reeves est de ne jamais avoir cédé à la facilité. Même s'il avait déjà établi sa propre marque comme La Planète des singes, pour laquelle un « seul » film solide aurait suffi à faire un carton. Matt Reeves avait toutefois d'autres projets. Pas d’actions peu spectaculaires, pas d’histoire bateau, mais plutôt des personnages pleins d'espoirs, de rêves et de profonds abîmes. Pour ces derniers, il prend son temps dans les deux films, au détriment du spectacle grand public. C'est ce qui confère un caractère lugubre inattendu à ses films La Planète des singes. C'est aussi la caractéristique de The Batman.
Et la marque de fabrique de Matt Reeves.
Un chef-d’œuvre magistralement exécuté
La cure de Matt Reeves fait énormément de bien à la franchise de la chauve-souris. En effet, le film sur Batman de Reeves donne l'impression d'une épopée dont l'histoire, au départ solidement ficelée, ne se dénoue que lentement et en douceur. Et l'image globale, enfin visible après presque trois heures, plaît ou plutôt, enchante.
Du point de vue du genre, le réalisateur s’inspire d’abord du film noir. C’est surprenant quand on pense aux adaptations cinématographiques de superhéros de ces dernières années. Ça l'est moins si l'on songe aux origines de Batman. Il a fait sa première apparition en 1939 dans Batman, the world's greatest detective*dans le 27e numéro de *Detective Comics, qui ne deviendra DC que bien plus tard.
Cela correspond au film noir. Car de nombreux éléments sont représentés ici : Batman, l'antihéros, se trouve au début dans un monde cynique et pessimiste et parle en voix off alors qu'il tente d'élucider un meurtre. Énigme après énigme, indice après indice. L'intrigue est reléguée au second plan, mais pas les personnages de l'histoire.
Par exemple, le patron du club « Pingouin » de Colin Farrell, l'acteur est à peine reconnaissable sous son maquillage, la « Catwoman » rusée jouée par Zoë Kravitz, le charismatique James Gordon joué par Jeffrey Wright ou le pleurnichard Gil Colson incarné par Peter Sarsgaard. The Batman nous plonge dans les bas-fonds de Gotham. Comme dans le film Seven de David Fincher, nous nous demandons toujours quand nous aurons atteint le fond.
Un long voyage sans action, qui pourtant, ou justement pour cette raison, fascine. Il est facile de s'immerger complètement dans cette atmosphère grâce au directeur de la photographie Greig Fraser, déjà responsable de la puissance visuelle dans des films comme Dune ou Rogue One : A Star Wars Story. Aucun de ses réglages n'est anodin. Il ne laisse rien au hasard. Avec brio, Fraser conçoit chaque prise jusque dans les moindres détails.
Mais ce qui distingue le plus The Batman de tous les films précédents sur Batman, c'est son univers. Sa ville. Gotham. Jamais un concentré de crimes, de corruption et de violence n'a paru plus vivant et plus réel. Un monde imaginaire par excellence. Comme si la ville possédait son propre caractère. Alors que dans les films précédents, elle était plutôt utilisée comme décor de théâtre, elle apparaît ici plutôt comme un microcosme vivant qui existait bien avant le Batman. Qui existera encore après lui et qu’on peut difficilement sauver.
Le compositeur Michael Giacchino accompagne le tout d’une bande originale qui éclipse même The Dark Knight de Hans Zimmer. La bande originale de Zimmer s'écoute certes très bien sans images. Mais, lorsque vous associez la musique de Giacchino à ce que vous avez vu, vous obtenez une force supplémentaire, sombre et lourde, comme si vous regardiez un film d'horreur et attendiez l'apparition du monstre.
Sauf que le monstre est Batman.
Ce dont personne ne veut parler : quelle est la qualité du Batman de Robert Pattinson et du Sphinx de Paul Dano ?
L'acteur Robert Pattinson incarne le calme stoïque dont nous, spectatrices et spectateurs, avons besoin comme point d'ancrage. Rien dans son jeu ne rappelle le vampire étincelant que Pattinson avait joué dans Twilight il y a des années. L'acteur britannique a mûri, grandi. Depuis ses performances dans Tenet de Christopher Nolan ou dans le film indépendant The Lighthouse, tout le monde devrait le savoir.
The Batman n'est pas une exception. Son interprétation de Batman pourrait même être la meilleure à ce jour, une déclaration audacieuse, quelques heures seulement après la présentation à la presse. Et pourtant, Pattinson incarne Batman comme personne d'autre. Sa posture. Ses pas lourds. Sa manière d’analyser son environnement. Sa proie. Un regard par-ci, une inclinaison de la tête par-là. Puis il traque et attaque. Il est d’abord audacieux et calculateur comme John Wick. Puis s'adonne de plus en plus à la rage pure. Je n'ai aucun doute là-dessus : je n'ai jamais autant ressenti la peur de la « proie » qu'ici.
« La peur est un outil. Cette lumière qui déchire le ciel, ce n'est pas qu'un appel à l'aide, c'est un avertissement », dit-il au début du film. J'en ai la chair de poule.
Ce qui est frappant, c'est que Pattinson joue toujours son personnage de la même manière. Christian Bale, par exemple, a procédé différemment. Dans Batman Begins, il a incarné trois personnages dans un seul film : le vrai Bruce Wayne, le Bruce-Wayne philanthrope et playboy et Batman. Pattinson, lui, ne fait pas de distinction : Bruce Wayne n'a plus besoin de faire semblant, car il s'est retiré depuis longtemps de la vie publique. La douleur du monde, l'amertume et même le dégoût de la vie sous le feu des projecteurs, tout cela, nous spectateurs, nous le croyons trop volontiers.
Il fait face au Sphinx, incarné de manière incroyablement menaçante par Paul Dano. Peut-être parce qu'il enveloppe de mystère non seulement ses crimes, mais aussi sa propre personne. Qu'est-ce qui fait plus peur que l’inconnu ? C'est précisément avec cette folie que Dano joue magistralement. De toute évidence, il s'inspire du mystère entourant le tueur du Zodiaque, qui a terrorisé la police et la population de San Francisco entre décembre 1968 et octobre 1969 ; à ce jour, la véritable identité de ce tueur en série, qui aurait commis 37 meurtres, reste inconnue.
Les parallèles donnent des frissons infinis. Par exemple, lorsque le Sphinx annonce les meurtres à venir sous forme d'énigmes, de symboles et de textes codés. Ou quand il s'en vante. Les méthodes sadiques du Sphinx ressemblent à celles de Jigsaw, et même si The Batman est loin d'être aussi sanglant que Saw, je me demande qui a bien pu donner au film « seulement » une autorisation à partir de 12 ans.
En effet, l'acteur Paul Dano lui-même a souvent déclaré dans des interviews qu'il avait eu du mal à sortir de son rôle pendant le tournage et à s'endormir paisiblement le soir. En effet, The Batman est un film noir dans le fond, avec une bonne dose de thriller psychologique, qui ne présente des scènes d’action que dans son dernier tiers, sans jamais en abuser.
Conclusion : c'est du grand cinéma
Pour moi, il ne fait aucun doute que le réalisateur Matt Reeves a créé un chef-d'œuvre avec The Batman. Car Matt Reeves ne cède pas à la tentation de se contenter d'une solide moyenne malgré une franchise forte. Au lieu de cela, il prend des risques. Reeves prend le temps d'établir son univers et les personnages qui le composent. Surtout au début avec peu de vitesse. Ce n'est pas un film grand public. Notons tout de même que ce ne serait pas la première fois que le grand public apprécierait tout de même un art cinématographique aussi grand.
Dune et Joker sont un bon exemple.
De plus, The Batman bénéficie d'un casting exceptionnel, jusque dans les plus petits rôles secondaires, et d’un savoir-faire au-dessus de tout soupçon. De l'impressionnant travail de caméra de l'expérimenté Greg Fraser à la musique envoûtante et sombre de Michael Giacchino. Si vous regardez le film le soir, ils résonneront dans votre tête après le générique. Même en sortant dans l'obscurité, à l'écart de la salle de cinéma, en observant chaque ombre.
Floc. Floc. Floc...
« The Batman » est disponible dans les salles de cinéma à partir du 3 mars. Durée du film : 175 minutes.
Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»