Tom et Jerry : du bon et du moins bon
Vous pouvez à partir d’aujourd’hui aller voir « Tom et Jerry » au cinéma. Le film, d’une durée de 100 minutes, avec le mythique duo de chat et de souris d’Hollywood, se relève mollasson. Mais c’est seulement dû aux scènes durant lesquelles le long métrage essaie de mettre en place une intrigue.
Tom le chat et Jerry la souris constituent l’un des plus grands duos de l’histoire de la télévision. Ils font irruption dans les salles de cinéma dès aujourd’hui. Le réalisateur Tim Story essaie, avec l’actrice Chloë Grace Moretz dans le rôle principal, de rendre le couple ultra-violent accessible à une nouvelle génération.
Malheureusement, c’est un échec. La plupart du temps.
Le film ressemble à un ersatz de ce qui fait la grandeur de Tom et Jerry, et des éléments qui font d’un long métrage un produit branché et « djeun » par le studio de nos jours. Une chose a été oubliée dans ce processus : Tom et Jerry ne collent pas au format d’un film de 100 minutes. Le concept des cette saga, vieille de plus de 80 ans, ne le permet pas.
Une intrigue démodée dès le début
Chloë Grace Moretz et Michael Peña sont des acteurs de talent. Mais aucun des deux n’a sa place dans un film avec Tom et Jerry. Durant 70 ans, les deux ennemis se sont débrouillés avec un minimum de soutien : le chien Spike, son fils Tyke, la propriétaire (Mammy Two Shoes) et parfois la rivale de Tom, une femme chat, une femme souris et c’est à peu près tout.
Aucune trace d’hôtel, d’iPhone, de problèmes de boulot et autres. Ces nouveaux éléments enlèvent au film son caractère purement « tometjerryesque ». Le film se déroule en 2020. Et ça se voit. Kayla, interprétée par Chloë Grace Moretz, sort son iPhone XR bleu de manière à ce que l’on voie bien le logo « pomme », la scène se déroulant bien évidemment parfaitement au milieu de l’image. Apple aurait-elle payé pour ce placement de produit ?
La toute première scène nous montre des pigeons rappeurs qui interprètent « Can I kick it? » de A Tribe Called Quest par-dessus le générique du début du film. Sérieusement ?
L’un des grands éléments du charme du duo chat-souris est son caractère intemporel : le premier épisode de « Tom et Jerry » date en effet de 1940.
Le dessin animé, magnifiquement animé à la main, n’a pas pris une ride en 81 ans : c’est toujours un plaisir de le (re)regarder. Le film de 2021, lui, semble déjà suranné dès sa sortie. Pour une fois, une intrigue moins alambiquée aurait certainement été un plus. Après 20 minutes de film, Spike fait son apparition et l’histoire peut véritablement débuter. Apparemment, un mariage a lieu dans un hôtel. Kayla s’enthousiasme sur Instagram. Pourquoi ? Le film a-t-il vraiment besoin de ce genre de scène ?
Tout n’est pas à jeter
Autant le long métrage renie ses principes fondamentaux, autant il vise juste dans d’autres domaines. Le réalisateur, Tim Story, aurait pu céder à la facilité et faire parler Tom et Jerry. Ce procédé a déjà été utilisé par le passé lorsque l’intrigue devenait trop envahissante et que les scénaristes de l’épisode se trouvaient dans une impasse. Mais de manière générale, les deux protagonistes ont toujours été muets.
Vient ensuite la violence. Il aurait été tentant de faire de ces deux-là les meilleurs amis du monde dans une aventure amusante et burlesque. Mais dès le début du film, le ton est donné : les deux se font des misères jusqu’à ce que Tom se fasse renverser par un camion. Voilà ici l’âme de la saga.
Jerry ne se montre pas non plus particulièrement bienveillant avec Tom, détruisant son seul bien, un clavier. Puis la souris fait la fête dans une chambre d’hôtel avant que Tom ne s’y incruste. À partir de ce moment-là, on peut ressentir l’amour qu’on les créateurs envers l’œuvre originale. Les cris de Tom et, plus généralement, les sons émis par les deux personnages sont de William Hanna. Le doubleur, décédé en 2001, a enregistré les cris et les sons d’origine. À l’époque où la saga Tom et Jerry proposait encore du contenu audiovisuel de qualité.
J’ai ri à gorge déployée devant les tentatives, bien évidemment infructueuses, de Tom d’entrer dans la chambre d’hôtel de Jerry. Voilà le Tom que j’ai connu dans mon enfance, et la raison pour laquelle j’entretiens une relation amour-haine avec Jerry depuis toujours. J’ai l’impression de revivre ma jeunesse.
Et deux secondes plus tard, « Don’t Sweat the Technique » d’Eric B. et Rakim. Puis l’intrigue avec des personnes et des mentions de l’organisation controversée de défense des droits des animaux, la PETA. Pourquoi ?
Le film donne vraiment l’impression que l’équipe autour de Tim Story a essayé de combiner les gags amusants typiques de Tom et Jerry avec une intrigue tarabiscotée. Cette décision n’apporte rien à l’œuvre. Le film pouvait très bien s’en sortir sans chercher à absolument plaire à la génération Y (NDT : personnes nées entre le début des années 80 et la fin des années 90). Parce que les scènes de gags sont vraiment très drôles. Quand Spike frappe Tom avec la batte de baseball après lui avoir dit « Viens ici, Tom », j’ai rigolé.
Dès que l’intrigue montre son visage artificiel et inutilement compliqué, le film devient ennuyant et s’enfonce. Ces éléments ne m’ont pas non plus fait rire :
- les personnes réelles, que ce soient Chloë Grace Moretz ou Michael Peña ;
- les jeux vidéo, peu importe leur importance ;
- les discussions sur les éléphants lors d’un mariage ;
- les références à des films des années 80. La nostalgie ne peut pas fonctionner dans un film pour enfants de 8 ans en 2021 ;
- tout à l’exception de Tom et Jerry, qui maintiennent le navire à flot.
Les acteurs le savent bien. Chloë Grace Moretz, Michael Peña et Ken Jeong sont de bien meilleurs acteurs que ce qu’ils montrent dans ce film. Michael Peña tente de compenser un manque d’humour par des cris, Chloë Grace Moretz par des expressions exagérées. Aucune des deux techniques ne marche. La stratégie de Ken Jeong est de loin celle qui fonctionne le mieux : ne pas être à l’écran. On oublie en effet rapidement qu’il a participé à cette production cinématographique.
Je doute fort que les adultes ou même les enfants rient de quoi que ce soit dans ce film, en dehors des scènes de chamaillerie habituelles entre Tom et Jerry. À la fin, on a même droit à un message nian-nian sur la beauté de la vie conforme aux réseaux sociaux. Le fond du fond. Le studio s’en est-il mêlé ? Avec l’idée que « il faut ajouter un petit quelque chose pour que l’ensemble donne aux enfants un peu bêtes des petites leçons de vie » ?
Pourrait-on juste avoir des courts métrages avec le chat et la souris, s’il vous plaît ?
Journaliste. Auteur. Hackers. Je suis un conteur d'histoires à la recherche de limites, de secrets et de tabous. Je documente le monde noir sur blanc. Non pas parce que je peux, mais parce que je ne peux pas m'en empêcher.