« Avalonia, l’étrange voyage », un film d’animation époustouflant qui essaye de nous faire la morale
Le dernier film d’animation de Disney, « Avalonia, l’étrange voyage », aurait pu être un film d’aventure à dimension émotionnelle profonde sur les relations père-fils. Mais il passe à côté de sa cible et se perd dans ses sous-entendus sociopolitiques. Encore une occasion manquée.
Avant toute chose : cette revue critique ne contient aucun spoiler. Vous n’apprendrez rien de plus que ce qui a déjà été révélé dans les bandes-annonces déjà diffusées.
Non, Avalonia n’atteindra pas mon top 10 personnel de Disney. Non pas parce que le film serait mauvais ou les personnages pas assez sympathiques. Ce qui me dérange, c’est la trame de l’histoire qui part dans tous les sens et s’éparpille entre les aventures divertissantes et les messages écologiques bien trop digressifs à mon goût. Et le pire, c’est que Disney ne pare son film de messages progressistes que pour se vanter de ses bonnes morales par la suite. Le film manque ainsi d’explorer la dynamique émotionnelle grand-père-père-fils.
De quoi parle « Avalonia, l’étrange voyage » ?
Searcher Clade (Jake Gyllenhaal) n’est pas un simple explorateur. Il est une légende vivante. Jaeger Clade (Dennis Quaid), son père non moins légendaire, est considéré comme le plus grand explorateur de tous les temps. Les Clade ont la découverte et l’exploration dans le sang, c’est comme ça.
C’est du moins l’opinion de Jaeger. Car Searcher ne veut pas vraiment devenir un explorateur comme son père. C’est justement ce qui conduit à la désunion ultime : la dispute survenue entre le père et le fils durant leur dernière expédition les mène à se séparer. Depuis cet incident, Jaeger est porté disparu. Searcher, quant à lui, rentre de l’expédition avec Pando, une plante chargée d’énergie. La plante permet à Avalonia, la patrie des Clade, d’entrer dans une nouvelle ère technologique, ce qui propulse Searcher au rang de légende.
25 ans plus tard. Searcher, aujourd’hui fermier, a troqué son piolet et son marteau contre une pelle et un arrosoir il y a bien longtemps et a fondé une famille. Mais voilà que Pando, la plante devenue indispensable aux activités de la communauté, tombe malade. Le mal semble trouver sa source au fond d’un trou, à des kilomètres sous la surface du sol. Searcher doit dépoussiérer son équipement d’explorateur remisé au placard afin d’aller au fond du trou. En chemin, l’impensable se produit : il tombe nez à nez avec son père disparu il y a 25 ans.
Un grand bravo aux artistes de l’animation
À chaque fois que je pense avoir tout vu des merveilles réalisées en film d’animation, je prends une plus grande claque visuelle la fois suivante. C’était déjà le cas avec le joyeux Encanto, film magnifique qui regorgeait de couleurs vives. Puis avec l’incroyable Buzz l’Éclair des studios Pixar. Et voilà qu’Avalonia, l’étrange voyage en rajoute une couche. Le monde étrange d’*Avalonia*est effectivement l’un des plus surprenants et inventifs que j’ai eu la chance de voir sur grand écran.
Des diplodocus abstraits s’ébrouent comme des chiens et font pleuvoir de leur dos des petits « blobs » qui soignent les blessures humaines et les dommages environnementaux au toucher. Des coussins rouges nagent en l’air comme des bancs de poissons qui servent de voie rapide. Les troncs des arbres s’élargissent puis rétrécissent continuellement, comme s’ils respiraient. De méchantes créatures visqueuses tentaculaires chassent des oiseaux bizarres. Et j’en passe.
Avalonia, l’étrange voyage est un film d’animation fantastique, dans tous les sens du terme. Des sommets enneigés aux prairies verdoyantes, on ressent à Avalonia une forte inspiration des œuvres de science-fiction de Jules Verne, auteur de romans plébiscités tels que 20 000 lieux sous les mers et Voyage au centre de la Terre au XIXe siècle. En cherchant bien, on découvre même des influences de King Kong d’Edgar Wallace et de Merian C. Cooper ou même des clins d’œil au dessin animé Disney Atlantis.
Ce sont clairement les points forts du film. Enfin, ce seraient ses points forts si Avalonia était un film d’aventure ayant pour seule ambition d’émerveiller son public par un monde nouveau, étrange, plein de monts et merveilles tant merveilleuses que dangereuses. Si seulement cela avait suffi à ses auteurs et réalisateurs Don Hall et Qui Nguyen.
« Avalonia, l’étrange voyage » tout dans la subtilité... ou pas
Certes, un pur film d’aventure à la Croisière dans la jungle peut être amusant, mais il peut tout aussi bien être plat, comme je l’ai écrit dans ma critique. Avalonia, l’étrange voyage tente de faire mieux. La découverte de nouveaux mondes n’est donc pas le seul thème principal. L’élément de relation brisée entre les pères et les fils donne plus de profondeur au film.
L’idée de D. Hall et Q. Nguyen est bonne. Et même si je n’ai pas d’enfants moi-même, je peux comprendre les émotions : les pères souhaitent le meilleur pour leurs fils. Mais la notion de « meilleur » dépend du point de vue. Pour Jaeger, les Clade sont un clan d’explorateurs, tandis que pour Searcher, la vie de fermier est plus satisfaisante et pour Ethan, le fils de Searcher (Jaboukie Young-White), ce n’est pas l’agriculture, mais la recherche scientifique. Apprendre à être là pour son enfant et à le préparer à la vie tout en le laissant prendre ses propres décisions doit être difficile pour tous les parents, surtout quand ces décisions n’ont pas l’air d’être les bonnes. Le fait que les parents répètent les erreurs de leurs propres parents alors qu’ils se sont jurés toute leur vie de ne pas le faire, également.
Toutefois, Don Hall et Qui Nguyen ne font pas dans la subtilité. Bien au contraire. Dès la première seconde, merveilleusement bien dessinée à la main, ils nous rabâchent cette leçon importante. C’est répétitif. C’est moralisateur. On l’a assez entendu. Bref, ça n’a pas l’effet escompté. Si seulement D. Hall et Q. Nguyen avaient consacré plus de temps au décorticage de ce triangle relationnel au lieu d’y aller comme un éléphant dans un couloir. Il y aurait eu largement assez de temps en 102 min.
Au lieu de cela, ils gonflent inutilement l’histoire, par exemple avec « la première romance entre adolescents de même sexe dans un film Disney », comme l’a fièrement annoncé le réalisateur Don Hall lors de la conférence de presse mondiale en ligne. Le problème n’est pas qu’Avalonia, l’étrange voyage veuille être progressiste. Le problème, comme c’était déjà le cas pour She-Hulk : Avocate, est que le message politique devienne une fin en soi.
Le politiquement correct à tout prix
Je suis pour la représentation des groupes qui le nécessitent. Pour la banalisation des relations de même sexe et pour tant d’autres choses qui ne devraient pas être considérées comme progressistes au XXIe siècle. C’est quelque chose que j’ai déjà dit dans l’interview Mme Marvel et redit dans ma revue critique de Love, Victor. Mais je suis aussi critique quand la triste fin est de cocher les cases de sujets actuellement politisés.
C’est bien ce qui me dérange dans Avalonia, l’étrange voyage. Les premières minutes du film présentent la clique et le crush masculin d’Ethan. Plus loin dans le film, Ethan se fait conseiller par son père et son grand-père pour impressionner son ami et gagner son cœur. Ni Searcher ni Jaeger ne remettent en question l’homosexualité d’Ethan. Jusque-là, tout va bien.
L’orientation sexuelle d’Ethan n’a cependant aucune influence sur l’intrigue. Son amoureux, dont j’ai oublié le nom, ne va pas le chercher de l’autre côté du tunnel souterrain et ne joue pas un rôle prépondérant dans l’histoire. D’ailleurs, toute la partie concernant la clique d’Ethan aurait pu être supprimée sans être remplacée et cela n’aurait fait aucune différence. Le conflit entre les trois générations n’a rien à voir avec l’orientation sexuelle d’Ethan. Elle n’est là que pour être mentionnée de temps en temps, afin que Disney puisse clamer haut et fort : « regardez comme nous sommes récemment devenus moralement supérieurs ». Ce n’est pas ça, être progressiste. On met de l’huile sur le feu et on ne fait qu’alimenter le conflit déjà chargé d’émotion entre les factions pro et anti-représentation.
Et pour moi, ça retire tout l’intérêt du film.
Si l’orientation sexuelle d’Ethan était un sujet abordé dans le film, ce serait différent. Par exemple, si papi Jaeger n’avait pas pu avaler la pilule. Cela aurait alors fait partie de l’intrigue, partie du problème à résoudre. Si l’on veut faire dans la banalisation, autant le faire comme dans Buzz l’Éclair, où deux femmes s’embrassent avec désinvolture sans que le film doive ensuite nous rappeler constamment que l’amie de Buzz est homosexuelle. Car c’est justement dans la désinvolture que réside la normalité. La façon dont l’orientation sexuelle d’Ethan est présentée dans Avalonia, l’étrange voyage et dont le réalisateur Don Hall veut qu’elle soit explicitement mentionnée lors de la conférence de presse atteint l’objectif inverse. Elle rend l’homosexualité extraordinaire.
Pour finir, un message écologique est ajouté au mélange, ce qui, en soit, n’est pas une mauvaise idée, mais c’est fait si soudainement que ça ne prend pas chez le public. Ça sent la carotte et ça ne porte pas ses fruits. Un peu comme si quelqu’un de la rédaction avait dit : « Ouaip, on prend aussi ». Encore un truc qui retire tout son intérêt au film.
Verdict : beau, divertissant et tout... mais saturé
Ce n’est pas la première fois que Don Hall et Qui Nguyen proposent un film Disney saturé. La dernière fois, c’était avec Raya et le Dernier Dragon, comme l’a déjà souligné notre collègue Dominik Bärlocher dans sa revue critique. Par rapport à Avalonia, l’étrange voyage, le message central y était toutefois plus facile à déceler. À savoir qu’un monde divisé, où personne ne se fait confiance, est un monde sombre et triste. Don Hall et Qui Nguyen ont délibérément octroyé une grande place à l’actualité : Raya est née pendant la pandémie mondiale alors que l’isolement et les médias répandaient l’idée que chaque personne était un ennemi potentiel parce qu’elle pouvait être porteuse d’un virus.
Avalonia, l’étrange voyage est en plein dans le politiquement correct et les thèmes de l’actualité. Mais cela prive le film d’être aussi intemporel et grandiose qu’Encanto ou que Vaiana, par exemple. La prémisse d’un film d’aventure dans le style de Jules Verne aurait pourtant été la base parfaite pour cela. L’occasion de s’immerger dans un monde fantastique majestueux et d’oublier tout ce qui nous entoure pendant une heure et demie. Au lieu de cela, nous, les téléspectateur·rice·s, sommes sans cesse rappelé·e·s aux thèmes politiques et sociocritiques actuels. Il est donc d’autant plus paradoxal que l’intrigue d’Avalonia, l’étrange voyage soit aussi plate.
Visuellement et techniquement, Avalonia, l’étrange voyage est tout simplement époustouflant, indépendamment de toutes les critiques sur son contenu. Des créatures les plus complexes aux plus bizarres que j’aie jamais vues dans un film d’animation. Les artistes de l’animation n’ont nullement manqué d’imagination. Et les jeunes enfants, qui ne sont de toute façon pas concerné·e·s par les messages politiques, ont droit à de nombreux personnages sympathiques et amusants. Personnellement, c’est surtout le chien à trois pattes qui m’a séduit. Un animal fidèle et cordial.
« Avalonia, l’étrange voyage » est disponible dans les cinémas à partir du 24 novembre. Durée du film : 102 minutes. Interdit aux moins de 6 ans.
Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»