Netflix perd son public. C'est ce qu'indiquent les derniers chiffres trimestriels. Désormais, le service de streaming californien réfléchirait au changement de cap le plus spectaculaire de son histoire : l'abandon du binge watching.
Les choses ne vont pas très bien pour Netflix en ce moment. Le pionnier du streaming a déjà perdu des centaines de milliers d'abonnés au cours du premier trimestre 2022 (en anglais). D'ici la fin du mois de juin, ce chiffre pourrait même atteindre des millions, dit Netflix, tout en confirmant que le chiffre d'affaires croît moins vite que prévu. Cela a conduit à des centaines de licenciements (en anglais). Et selon un rapport de la chaîne américaine d'information CNBC, il serait même question de briser un tabou aussi spectaculaire que controversé : l'abandon du binge watching, le fait de regarder plusieurs épisodes en une seule « session ».
Bien sûr, la clientèle pourrait attendre que tous les épisodes d'une nouvelle saison soient sortis avant de commencer à les binge watcher. La publication de nouvelles saisons et de nouveaux épisodes n'aurait néanmoins lieu qu'à un rythme hebdomadaire. Que cela plaise ou non. Netflix est-il un navire en perdition ?
Pour remettre le paquebot sur les rails, le co-PDG Ted Sarandos sort le grand jeu. Il a d'abord confirmé l'arrivée prochaine d'un nouvel « abonnement publicitaire », qui coûtera moins cher aux téléspectateurs qui acceptent de recevoir occasionnellement des publicités. Pour ce faire, l'entreprise souhaiterait trouver un moyen de monétiser le partage de compte, ce qui ressemble toutefois plutôt à un acte de désespoir. Et maintenant, le binge watching tel que nous le connaissons pourrait même être abandonné. Ce serait un changement de cap spectaculaire.
Le pouvoir du binge watching
En supprimant le marathon des séries, Netflix ne se rendrait certainement pas populaire. Netflix n'a certes pas inventé le binge watching, mais l'a considérablement marqué (en anglais). En 2012, la société a commencé à publier des saisons complètes en une seule fois. Dans une enquête en anglais menée par Netflix en 2013, 61 % des spectateurs déclaraient déjà regarder régulièrement entre deux et six épisodes par session. L'enquête a également révélé que le binge watching ne suscitait pas d'associations négatives auprès du public ; pour la majorité, c'était déjà normal à l'époque. Pour Netflix, c'est une raison suffisante pour déclarer que le binge watching est « la nouvelle norme ».
L'entreprise californienne a bouleversé de fond en comble le paysage de la télévision linéaire. Le public pouvait enfin choisir lui-même le moment et le nombre d'épisodes d'une nouvelle série qu'il souhaitait regarder. Plus d'horaires. Pas de programmation fixe. La liberté à l'état pur.
Netflix, conscient de son avantage unique sur le marché, en a même fait un sport : « binge racing ». Les binge racers sont ceux ou celles qui regardent une saison complète dans les 24 heures suivant sa sortie. Le service de streaming a déclaré à ce sujet : « Les binge racers ne sont pas des patates de canapés. Ce sont des super-fans, pour qui la vitesse de visionnage est un exploit dont ils peuvent être fiers et se vanter. La télévision est leur passion, et le binge racing leur sport », au point que le co-PDG Reed Hastings a fait la déclaration suivante : « En fait, nous sommes en concurrence avec le sommeil »
Le pouvoir du rythme hebdomadaire'
Netflix s'est développé, et dans son sillage, la concurrence aussi. Mais contrairement à Netflix, Prime, Disney, Apple, Sky, HBO et autres ne misent pas sur le binge watching. Pas directement. Ils continuent à publier leurs contenus à un rythme hebdomadaire, comme auparavant, avant Netflix. Ceux ou celles qui le souhaitent peuvent attendre la fin d'une saison pour la binge watcher ensuite, au risque d'être spoilé·e·s par des connaissances ou les médias sociaux.
Si les concurrents de Netflix s'en tiennent malgré tout au rythme hebdomadaire, il y a une raison : c'est ainsi qu'ils « étirent » leur contenu. Cela coûte moins cher et se répercute sur le prix des abonnements. Les analyses et spéculations hebdomadaires (en allemand) des youtubers et des blogueurs sur chaque épisode augmentent l'engouement. Et le risque que les abonnements soient résiliés de manière anticipée ou temporaire à la fin du mois diminue. Surtout lorsque de nouveaux épisodes sont publiés au-delà de la limite mensuelle. La stratégie de publication de Disney, avec ses deux chevaux de bataille Star Wars et Marvel, en dit long :
Décembre/Janvier/Février : Le livre de Boba Fett
Mars/Avril/Mai : Moon Knight
Mai/Juin : Obi-Wan Kenobi
Juin/Juillet : Ms. Marvel
Août/Septembre/Octobre : She-Hulk
Octobre/Novembre : Andor
Netflix ne peut pas le faire. Son public peut consommer ses nouveaux contenus beaucoup plus rapidement. C'est le cas. Et demande immédiatement de nouveaux contenus Notamment parce que, dans le cas contraire, ils menacent de se tourner vers la concurrence, qui est en outre beaucoup moins chère. Si Netflix ne veut pas perdre son public, il doit constamment et de plus en plus rapidement ajouter de nouveaux contenus. Cela coûte de plus en plus cher. Si Netflix ne veut pas toujours augmenter les prix des abonnements, un suicide face à tant de concurrence, cela ne peut que signifier :
la quantité au détriment de la qualité.
« J'ai du mal à trouver des trucs vraiment cools sur Netflix. C'est pourquoi j'ai résilié mon abonnement. De toute façon, c'était trop cher pour moi. » Nous connaissons tous de telles déclarations de la part d'amis et de connaissances. Peut-être même de nous-mêmes. En publiant des saisons entières d'un seul coup, Netflix a certes posé les bases de son succès retentissant. Mais entre-temps, la recette du succès risque de devenir un serpent qui se mord la queue.
Et quelle sera la suite pour Netflix ?
L'entreprise américaine est encore le plus grand service de streaming au monde avec ses 221,6 millions d'abonnements enregistrés. Et de loin. Amazon Prime compte certes actuellement 200 millions d'abonnés, mais « seulement » 175 millions d'entre eux utilisent Prime Video. Disney+ arrive en troisième position avec 137,7 millions d'abonnements. Il serait donc nettement prématuré de parler dès maintenant de la menace de disparition de Netflix.
Et pourtant, les investisseurs ont récemment réagi avec inquiétude. C'est ce que montre un aperçu de l'évolution du cours de l'action Netflix : en octobre 2021, elle se négociait à 690 dollars par action. Aujourd'hui, sa valeur est d'environ 180 dollars par action. La confiance en un avenir sûr est différente. La situation est grave :
si l'on en croit l'article de CNBC, Netflix pourrait abandonner ce qui était autrefois son principal pilier. Netflix expérimente sans cesse de nouvelles stratégies de publication. Par exemple, en divisant les finales de saisons comme La Casa de Papel ou Ozark. À l'époque, Netflix avait certes justifié cette répartition par des difficultés de production pendant la pandémie. Mais tout récemment, le service de streaming a publié l'intégralité de la quatrième saison de Stranger Things en juin, à l'exception des deux derniers épisodes. Ils ne paraissent que le 1er juillet.
Après la limite mensuelle.
C'est plutôt malin.
Il semble que Netflix n'ait pas vraiment le choix. Pas quand l'ensemble de la concurrence mise systématiquement sur la publication de nouveaux contenus au compte-gouttes également. Netflix risque certes une tempête de critiques sans précédent avec un changement de cap aussi radical. À long terme, le service de streaming californien pourrait toutefois se recentrer sur la qualité s'il devait produire moins de contenus pour le même budget. Cela profiterait également aux spectateurs.
Quo vadis, Netflix ?
Renonceriez-vous à la publication de saisons entières en une seule fois si la qualité du contenu augmentait ?
Vivre des aventures et faire du sport dans la nature et me pousser jusqu’à ce que les battements du cœur deviennent mon rythme – voilà ma zone de confort. Je profite aussi des moments de calme avec un bon livre sur des intrigues dangereuses et des assassins de roi. Parfois, je m’exalte de musiques de film durant plusieurs minutes. Cela est certainement dû à ma passion pour le cinéma. Ce que j’ai toujours voulu dire: «Je s’appelle Groot.»
Ces articles pourraient aussi vous intéresser
En coulisse
La série la plus populaire de Netflix ? « Bridgerton », mais...
par Luca Fontana
En coulisse
Paramount+ arrive en décembre : quelles infos avons-nous ?
par Luca Fontana
En coulisse
Le service cloud gaming de Netflix est-il voué à l’échec ?